28 avr. 2012

Baie des lys

Suite de l'histoire de La Miche, un jeu initié par Mère Castor. Voir les épisodes précédents dans les libéllés " La Miche"

Pour résumer. La Miche c'est un genre de bonne femme ermite qui vit sur la colline. Elle descend au marché vendre ses fromages. De sa vie d'avant personne ne sait. Pourtant elle a bien un autre nom : Pascaline Dubec. Elle a même fait refaire ses papiers d'identité, chose excentrique dans sa tête si on y pense. Mais. Mais dans sa retraite bourrue ou rare sont les intrus, un courrier est venu la trouver.
Ce courrier contenait des graines qui venaient de très loin. Et dans ses mains qui re tremblent pour la première fois, dans ses yeux mouillés elle a bien lu le nom de l'expéditeur : Pagure.

"Quelqu'un viendra te dire, sur le marché cet été", a -t-il prévenu. Mais cet aout est sauvage et dangereux et l'orage a détruit les rues du village. Derrière les carreaux, La Miche voit le ciel tout emporter et le monde allonger ses grimaces.
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BAIE DES LYS

La tempête a duré cinq jours. L'ami Dédé a dormi là deux nuits puis a tenté la descente, un matin où il ne pleuvait plus et où seul le vent le poussait dru.

La semaine qui suit est misérable. Les touristes sont réfugiés dans la salle des fêtes et les habitants viennent leur porter secours. Un petit étal de fruits et légumes leur est proposé, on ne peut plus sortir par les routes, la boue atteint 80 cms par endroit et les deux rivières ont débordé, sur deux artères principales. On a le souffle court en sautillant dans les ruelles épargnées.

Il faudra du temps. En attendant elle pose ses fromages sur l'étal à côté de Basile et Juliette. On se serre entre les salades rescapées et les abricots récoltés avant la fin du monde. Des vergers sont détruits, seule la vigne sur les monts rocheux a bien résisté. Il y aura donc un septembre.

Sous le préau de la salle des fêtes c'est dimanche quand même et les vacanciers discutent en lui achetant ses fromages dans les petits paniers de Dédé. Ils lui demandent son nom et comme tout a changé et qu'on commence à se connaître elle dit qu'elle s'appelle Mademoiselle Dubec. Un petit garçon entend son nom, court vers une valise posée dans un recoin près des matelas de fortune, fouille comme un petit singe et revient en criant " madame, madame !!" agitant un carton dans ses doigts.

Elle n'aime pas trop les gosses, toujours à sauter partout et à crier pour pas grand chose. Mais le petit singe est bien mignon avec son nez qui pointe et ses mains crasseuses qui lui tendent le courrier. "M'dame le facteur y s'est trompé, y m'a donné une carte à moi : y'avait marqué P.Dubec et y savait pas ousque c'était pis moi c'est Paul Dubec, m'dame, alors je l'ai gardé mais j'ai bien vu qui s'est trompé !".

Bougre de bougre, c'est chaque fois la même chose, ils nous mettent des p'tits remplaçants qui z"y connaissent rien de rien. Pis avec ce temps, c'est sûr qu'il allait pas monter la pente, le préposé des Postes,  de toutes façons.

Alors elle tapote le crâne du petit Paulot, et lui donne un fromage "pour ta maman" , elle a bien vu la mère qui sourit sous ses cernes, encore une toute seule avec la marmaille si c'est pas une époque pourrie, non mais. Elle met la carte dans sa poche car elle se méfie des bavardages. Elle ne veut pas d'histoire donc motus.

Elle oublie presque la carte mais le soir faisant, elle enlève sa veste et voit la poche bailler. Tiens, la carte ?



Ben c'est bien mignon.

" Pascaline, mon ami n'a pas pu venir au village, alors j'avais prévu cette carte pour toi pour te laisser le message. C'est important"


Bon sang, c'est encore Pagure. Elle s'assoit et rajuste ses lunettes embuées.

Se revoir, nous nous sommes promis. Ce sera un long voyage et tu sais que je ne peux pas bouger. Tu devras donc traverser l'Atlantique, ma douce hirondelle.
Voilà ce que je te propose : il faudrait que tu viennes dans la Baie des Lys. Tu te souviens ? Te souviens tu de la cabane de pêcheur de ma tante ? 
Tu trouveras de quoi préparer ton voyage. Mais, Pascaline, ne tardes pas, il faudra t'envoler bien avant l'hiver.
Mon hirondelle..."

S'envoler ? Elle regarde par la fenêtre la montagne momifiée qui reprend quelques couleurs après le gris cendre des semaines passées. Elle regarde au dessus de l'armoire la valise verte qu'elle n'a pas touchée depuis, depuis. Elle calcule dans sa tête le temps qu'il faut pour revoir la Baie, là où quarante quatre années auparavant, auparavant.

Il lui faudra trois jours, trois petits jours sans se presser. Elle prendra le bus et s'arrêtera chez son neveu Nico dans sa boulangerie. Il a repris le flambeau, lui.

Elle partira dans huit jours.
Il y aura un septembre.
 Demain elle achètera le ticket de bus, direction le sud pour partir au grand Nord ? Et alors ?
Elle sait déjà ce qu'elle mettra dans ses valises, c'est pas compliqué.

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25 avr. 2012

l'illettrisme et vote ?

C'est décidé il fera beau, c'est le dernier matin frais. Il fera beau, on aura chaud.


Le champ du voisin est blanc lumineux ce matin, il n'est qu'eau en constellations millionnaires. Je gagne à son loto. Je vois le soleil, il ne pleuvra pas j'ai dit.

Mercredi, tu le sais, est ma journée sans travail, la journée de fainéante que je suis. Lundi, retour de vacances, j'ai repris ce petit job que je m'offre comme du bon temps bien mérité, je le savoure d'autant plus qu'il est temporaire sans que j'en connaisse la temporalité. Je prends comme c'est, je remplace, quand je ne remplacerai plus je rentrerai chez moi papattes en rond, pas pressée de faire autre chose. Mille autres choses j'ai fait et je n'ai plus l'énergie pour être très salariée. Je ne suis pas un vrai travailleur, moi. Jamais été. Jamais aimé le "vrai travail". Ouf.

Ce travail-plaisir auprès des femmes d'un quartier, en majorité analphabètes, et qui viennent aux ateliers "de français", je l'aime. Elles sont étrangères, nous avons parlé des élections auxquelles elles ne participent pas car elles n'ont pas la nationalité. On vote pourtant, entre nous, pour choisir un lieu de sortie, par exemple. Elles choisissent un bulletin et le mettent dans une urne que j'ai confectionné avec un carton et de la peinture. On dépouille, on compte, c'est la majorité qui a le dernier mot. Cela évite que ce soit les "grandes bouches" qui décident pour celles qui se taisent. Cela leur donne l'occasion d'acter un vote, elles qui ne le feront jamais dans leur vie civique et qui subissent, et ont subit, beaucoup dans leur vie de femmes.

Hier, l'une de ces dames, une veuve âgée qui vit avec la moitié de la retraite de son époux, c'est à dire 250 euros par mois, m'a demandé pourquoi elle ne pouvait toucher " sa retraite". L'assistante sociale lui a expliqué qu'il faudrait attendre 65 ans. Je leur ai donc expliqué que d'une part ce ne serait pas une "retraite" mais une "aide sociale" nommée Minimum vieillesse, la retraite c'est pour ceux qui ont travaillé et ont cotisé. J'ai dessiné un bulletin de salaire et expliqué ça grossièrement parce que c'est du sport d'expliquer le salaire brut et le net,  à des personnes qui ne comprennent pas le français, crois moi. Mais y'en a toujours une pour traduire aux autres, sauf que je me méfie des traductions...

Voilà comment, moi aussi, je fais de la politique au boulot. Bien obligé. Indispensable. Je suis au coeur de l'action, auprès d'immigrées qui vivent avec nous depuis des dizaines d'années. Leurs enfants sont français et ont voté ce coup ci. Oui. Elles ne savent pas pour qui ils ont voté et moi je me demande bien...

J'ai donc dessiné les dix candidats et les scores. Ca tombe bien quand on travaille sur les chiffres et les additions. Où vont aller les 18% de l'une, les 9% de l'autre ? etc. Euh, les candidats je les dessine vaguement hein ! avec des ronds et des bâtons pour les jambes. Mais je mets des cheveux aux femmes et des lunettes aux lunettes.Mélanch....je lui mets une cravate rouge et comme elles regardent la télé, elles pigent. Sauf pour les tout petits candidats en dessous de 1%. Non, je les dessine pas plus petits que les autres, mais je mets juste leurs initiales, hein !, faut pas pousser mémé.

Le F.N, elles connaissent pour la plupart. Non, je te vois venir avec ce sourire narquois penser " ben oui qu'elles connaissent, elles ont interêt...". Ouais. Bon.

Vraiment je me demande ce que leurs enfants ont voté. Leurs enfants je ne les connais pas sauf quand il faut en caser un pour ces fameux "stages" de troisième d'une semaine bidon dans un cadre professionnel. Et l'école, tu sais comment c'est, pas facile d'avoir des bonnes notes quand tes parents savent à peine, ou pas du tout, lire et écrire, qu'ils soient français ou pas, c'est pareil. Kif kif bourricot.

L'illettrisme en France est un sujet peu avoué. C'est un tabou, un mot qui fait peur. On croit lire "dégénéré ou analphabète".  Pas du tout. La personne "illettrée" est allée à l'école, tout le monde s'embarque jusqu'au collège de nos jours. Mais tout le monde n'a pas le même ticket en poche et le voyage n'a pas du tout le même goût pour celui qui s'accroche, est aidé à la maison, a des parents qui tiennent la rampe sans les lâcher, ou pour celui qui a des parents qui le laissent ramer seul, qui ne voient pas la noyade parce qu'eux même peut être ont décroché il y a longtemps avec les apprentissages et pensent que les profs mettront des gilets de sauvetage à tout le monde. Queue nenni. Ca coule. Titanic sur tous les flots.

La personne illettrée peut se débrouiller dans la vie courante, elle déchiffre, elle peut aussi lire des petits textes si besoin, mais bien souvent elle n'utilise pas ce qu'elle lit, elle n'intègre pas vraiment les contenus. C'est comme une langue étrangère. La lecture et l'écriture ne font pas partie de sa vie, de ses besoins. On vit alors avec la langue orale essentiellement. On se fie à ce qu'on dit et entend, on ne peut pas vérifier des infos, lire des journaux. Il est difficile de débattre des idées et d'argumenter avec recul. Pour intégrer des idées contradictoires, il faut avoir la capacité d'engranger les informations, de les ruminer et les trier, de comprendre et de comparer. C'est très difficile. La scolarité apprend cela, à ceux qui tiennent bon, à ceux qui ont des parents-capitaines à la barre, à la maison, et qui ont les acquis contre le mal de mer de leurs moussaillons. Sinon, Plouf plouf Titanic bis. 

On est illettré, on ouvre bien le journal, oui, on regarde les photos et les grands titres on les lit,  mais il est rare qu'on lise un article en entier. Le texte, rien qu'à le voir, on est fatigué, on n'est pas habitué, c'est un effort énorme. Non, de loin, tu ne sauras pas si cette personne est illettrée. Quel adulte en France t'as déjà dit " Je ne sais vraiment pas bien lire." " Ce papier que j'ai reçu, je ne le comprends pas en fait...". Et je ne parle pas que de documents administratifs que moi même je comprends à peine tant ils sont imbuvables.

Non, tu ne sais pas le handicap qui est vécu. L'illettrisme est sournois et il se voit par d'autres biais. Par des actes et des postures de vie. Un voisin qui a une fuite chez lui, il pleut dans son salon mais il dit " l'agence ne fait rien de toutes façons !! Tous des cons !". Toi tu as la même fuite et aucun problème avec l'agence qui fait réparer. Soit le voisin n'est pas assuré. Soit il ne sait tout simplement pas dialoguer avec l'agence, remplir les documents, s'organiser dans les démarches, recevoir du courrier et en tirer conséquences. Alors " Tous des cons !". Et tu as vu j'ai mis " dialoguer " avec l'agence. Oral et écrit sont des siamois dans ton cerveau. Le déficit en langue parlée s'ajuste souvent au déficit en langue écrite, vice versa et vice verso, on reste dans le Service Minimum en Intégration Communicante (wah ! j'veux un poste dans le nouveau gouvernement moi !!). 

L'illettrisme touche des millions d'adultes en France. Motus. Motus sur les conséquences, sur la frustration et le sentiment d'insécurité inhérents. Motus sur le sentiment de rejet, motus sur l'inculture latente. Motus sur le manque de recul et de connaissances, empêchant toute ouverture de la pensée. Concernant l'excellent travail de relookage du F.N, je me suis aussi dit que bien des jeunes qui sont séduits n'ont sans doute pas de perspective historique. Ne savent pas, par exemple, où en était l'Allemagne d'avant guerre, ne connaissent pas l'Histoire des partis nationalistes entre nos deux pays, etc. 

Ces jeunes et beaucoup moins jeunes, je les croise tous les jours au boulot ou dans mon voisinage. 
Pour les plus anciens, ceux qui ont connu la guerre et le nazisme, je ne leur pardonne rien : tous des cons.
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21 avr. 2012

Des autres vies

Il a fait un vrai temps d'avril.
Tout à l'heure j'étais pieds nus dans le jardin, maintenant la tempête amène l'eau sur les carreaux et les arbres ploient.
Je ne saurais pas décrire la journée. Elle a commencé en anicroches avec ce quotidien, qui ne m'intéresse pas, entre deux êtres. Puis, comme d'habitude j'ai mis des mots à voix haute et de la tendresse, on pourrait dire que j'ai fait un effort mais tout simplement la brutalité de l'amour ne m'intéresse plus. Je cherche la docilité sous les piques du porc-épic. La toison d'or sous les ordures.

Hier soir j'étais sortie rencontrer des inconnus dans mon village. Des personnes qui s'activent autour de l'art pour tous, de la beauté à partager. Je me suis retrouvée dans une petite maison en pierres retapée et isolée au bout d'un chemin. Un hameau de deux maisons. Il faisait froid dans la salle-cuisine. Sur la table et autour de l'évier tout débordait de légumes, de plats, de bric à brac. Un petit garçon était dans la salle de bains attenante, c'est son père qui m'a reçu. J'ai épluché les carottes, il a préparé la tarte. On a fait connaissance, c'est facile de se rencontrer quand on partage les mêmes valeurs, du moins des essentiels. 

Mais c'était drôle cette sensation en moi, j'ai eu l'impression de revenir trente ans en arrière. Dans une époque lointaine et formatrice, où je vivais à plusieurs, enfin on vivait dans des maisons comme ça, de pierres et de broc, plutôt jolies mais froides en hiver, ça c'est sûr. On cohabitait et/ ou on était toujours proches, solidaires. Un temps révolu où les détails confortables n'avaient pas d'importance. Nous avions moins de trente ans, et un peu plus de vingt, dans le Béarn, et nous étions tous très amis et on se serrait les coudes. On vivait nos idées, on travaillait le moins possible. Personne n'avait encore d'enfants.

Hier soir dans cette maison, même si les trois couples rencontrés ont certainement entre 35 et 40 ans et non 25, je me suis sentie lointaine, spectatrice de leur vie, de leurs envies de s'entraider, de leur bontés respectives, tout simplement parce que je ne vis pas ainsi en ce moment, et que ça fait un bail, oui, un bail. 

Aujourd'hui je suis "une vieille con" ai je dit en épluchant les carottes à celui qui s'est retourné devant l'évier en me souriant parce qu'il pensait que non. Que simplement on a des périodes dans la vie, c'est tout. Moi, disait-il, je ne veux vraiment plus bouger maintenant. Je me sens vraiment bien, on construit ici avec les gens, c'est important, il se passe plein de choses.

Je suis partie vers 21h, on n'avait pas fini l'apéro et grignotis. Je leur ai dit que j'étais cendrillon, que j'allais devenir citrouille et que mon cerveau se transformait en purée le soir, alors que je rentrais. Ca faisait plus de deux heures que j'étais là avec ma carcasse, ça suffisait. Dommage pour les excellents mets qui attendaient. Manger après 21h30, c'est un truc qui me fatigue à l'avance, je suis une vieille con. J'aime lire dans mon lit le soir, bien en forme et peinarde.

La présidente de l'association des artistes s'était assise à côté de moi , avide de me parler, de voir si on pourrait compter sur moi pour la journée particulière de juin. Nous sommes sur les mêmes émotions, les mêmes acquis. Elles sont deux à monter des projets et toutes les deux ont travaillé dans le social ou médico-social, puis on tout lâché pour se consacrer à leur art et leur association de développement culturel local. Se sont des jardinières d'humanité. Elles ont envie que je mette du terreau. Qui sait ?

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18 avr. 2012

je me rends

Je capitule, j'avoue, je cesse de faire la têtue, je me rends : le soleil c'est tout.

Quatre jours sans sortir, accablée par un déluge tenace tout autour de moi. Plus de vision, une terre détrempée, le froid, la pluie, sous toutes ses formes, du crachin à la neige fondue. Elle m'a eue. 

Le soleil revenu hier. Il m'a. Il a mon moral entre ses mains, mon salaud. Je suis cuite. Je ne fanfaronnerai plus en me croyant capable. J'ai vécu presque vingt ans en Normandie mais je crois que je ne pourrais plus." je crois" ?? Non, c'est foutu, c'est sûr, oui.

C'est déjà ce que je pensais au moment de chercher une maison l'année dernière. J'ai remisé mes envies bretonnes, capitulant devant quatorze années drômoises et les dix précédentes entre Asie et nulle part. Je ne suis plus apte à m'exiler sous la pluie, le gris me casse la baraque.

Trop de lumières ici, la lumière drômoise c'est une fée et un vampire qui te suçe toute avidité d'aller ailleurs. Tu te sens sombre et dans l'ombre dès que tu pars. C'est une lumière chatoyante, bouleversante, que je n'ai connu aussi vivace nulle part. Je suis eue. Pour le moment, je me rends. 

Je suis en période de réadaptation depuis juin 2011. J'ai quitté la vallée du rhône, son mistral cruel mais ses cieux de peintre pour revenir dans un village près des montagnes,  où j'avais vécu durant huit ans. La pluie n'existe pas près du Rhône drômois, pas la vraie pluie. Quatre fois l'an, maximum, elle tombe sérieusement et on l'adore. Le reste du temps, elle a à peine l'occasion de nous rendre visite, jamais froide, et la voilà déjà remplacée par le soleil et le ciel bleu.

Ici, proche à nouveau du Vercors, malgré les petits vingt kilomètres de distance, tout est autrement. C'est l'humide que je retrouve (adieu la canicule dans l'appartement !) et le mistral glacé que je perds. La pluie, donc, plus constante, la neige en février, quelques jours. Mais c'est de bonne guerre, je suis dans une pleine nature que je voulais revoir juste devant ma porte.



Aujourd'hui, oui,  j'en fais le constat un peu penaude, Soleil je suis ton esclave. Je ne peux pas lutter contre toi, je ne peux pas lutter sans toi.


13 avr. 2012

Un jour

C'est le gris un peu trop frais qu'il faut remettre deux pulls ou presque mais finalement acheter des lunettes de soleil dans la pharmacie.
C'est dans la pharmacie je rencontre une très ancienne collègue et c'est simple. On vit ici. On travaille beaucoup moins. On fait des choix.

C'est les deux étages de vieilles pierres avec les marches usées au milieu comme des sculptures. L'escalier est large, les pierres sont des murs et en haut c'est le local de l'association. Plein de pièces que chaque artiste occupe. C'est un local d'artistes amateurs ou pas, résolus de partager et de créer quelque chose aussi au village. On se rencontre. On m'offre un thé. Elle. Avec un parcours découpé aussi, car sans doute elle voulait se rapprocher de l'humain et finalement elle me dit qu'elle veut mêler la peinture et l'ethnologie. J'ai compris. On se revoit bientôt.

C'est un chat qu'on aime même si on ne le connaît pas et qui semble à bout de vivre. C'est le chagrin qui est entier de tout cela il ne s'efface rien. C'est se comprendre et se soutenir dans nos lointains. Jamais la peine n'est aussi grande parfois qu'un fer de lance contre lequel tu ne peux rien. C'est accablé, meurtri, tout détester. 

C'est encore le gris qui a pris d'assaut la journée ici.
C'est entendre la radio. Ecouter un disque. Penser et ne pas penser.
C'est le jour sans arrêts, c'est la fermeture au bout, l'éclipse de toute chose, la petite lumière bleue du haut-parleur de l'ordinateur. 

Au four du poele cuit un carrotcake de mon cru*. Elle a dit de passer dans huit jours, un soir. J'amènerai quelque chose, ai-je promis, elle a souri. Quoi amener  ? On a dit qu'on ne savait pas. Qui peut dire ce que, dans huit jours, j'aurais envie de donner et elle de recevoir ?




* pour le carrotcake, je prends la recette de Pascale Weeks "c'est moi qui l'ai fait !" qui est goûtue et légère, et je l'apprivoise selon l'humeur du jour. Je divise en deux les proportions pour un petit gateau.

2 oeufs entiers avec 150 gr de sucre ( ou moins de sucre et du miel), battus au fouet électrique

J'incorpore 175gr de farines ( de riz et/ou de blé), la levure et le bicarbonate et un demi verre d'huile

3 grosses c a soupe de poudre de noisettes, 150gr de carottes rapées, cannelle, quatre épices, gingembre, vanille et
sur ce coup là, j'ai ajouté des figues sèches en petits morceaux, une c a s de confiture d'oranges maison et une c a s de crème coco.

Il a cuit lentement, plus d'une heure au four à bois, c'était très réussi !
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10 avr. 2012

Pluies les madeleines

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Je ne veux voir qu'une seule tête !

Cet aprem, dans une boutique du village, me vient un coup de pompe royal, bigre dans quel état suis je ?

Je ressors avec un sachet de petites madeleines qui s'avèrent délicieusement bienfaitrices.
Bigre comment me sauver du coma, on dirait que je manque de tout, de vitamines, de fer, de cuivre, d'or et d'argent, de beurre et de cacahouètes, de tonus et de souffle !?

Revigorée par la vue des petites madeleines et leur goût sous ma langue, je décide de leur offrir des frangines directement conçues dans ma cuisine.

De la purée d'amandes et moins de beurre, de la farine de riz avec celle de blé. Tournicote la pâte dans la casserole comme une mayonnaise légère. Et Chance ! Elle sont bossues mes sauveuses, elles ressemblent à de vraies madeleines de Pâques !

J'y ai aussi glissé des morceaux de chocolat, c'est vrai.


Pendant qu'elles se reposent, je me glisse sous la couverture au chaud du lit et j'entends le vent balayer les carreaux et la pluie. J'aime m'allonger dans la chambre quand la fatigue est trop forte, quand je sais que rien d'autre n'y fera. Tout glisse alors. Je me retrouve petite fille et il suffit de respirer. De se cajoler, de se chauffer. D'oublier.

J'écoute la radio et j'entends Léo Ferré. Il est tellement lié à ton être que seul toi, immédiatement, tu remplis la pièce, ce que nous fûmes, et le vide laissé. 

Y-a-t-il des chemins qui ne se croisent plus jamais ? Telle est la phrase qui me vient quand je me lève enfin, encore emplie de la chanson et du souvenir. Je descends les escaliers. Y-a-t-il des chemins qui plus jamais ne seront croisés ?

Je vais mieux. En bas le poêle est orange, le linge sèche, et je ne suis pas seule dans cette maison, tu sais ?
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7 avr. 2012

les visages de mon dehors

Après tant de soleil et de chaleur, un temps d'humide et de fraicheur.

 Mai était en mars, un peu de mars en avril. Cela fait du bien. Comme de sortir du feu un bouillon qui crépite. Car tant de printemps qui détale de tous les fourrés en même temps,  moi ça m'excite, me régénère, me fait faire des bonds électriques.

Je dis ça et en même temps le jardinet est en telle expansion que je ne fais que le regarder. Je ne fais rien d'autre que regarder les plantes pousser.

Il est comme un être aux nombreux visages.

La face Est, son serpentin entre trois morceaux de terre verte, la cloture en bois qui s'effondre,  le coin humide sous le sureau, les jonquilles hautes, l'érable miniature et ses feuilles qui s'ouvrent brunes-rouges, carmin foncé. Les bébés groseilles. Les framboisiers qui poussent.



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Tout est bébé, tout est neuf.

Les arbustes plantés à l'automne et n'ont pas survécu aux moins quinze degrés de février. Le vieux laurier lui même fait la gueule.

Les coeurs de Marie, la glycine, l'osier. Tout est bébé. 

Encore telle ou telle plantation qui n'a pas encore repris, est-elle vivante ? C'est du côté sud, la terre est aride. Les bébés noisetiers sont en forme, ils seront grands dans vingt  ans, je ne serai peut être plus dans cette maison. Qui sait ?

 Le cognassier du Japon a traversé l'hiver, bébé lui aussi, tout je vous dis, et que vois-je  ? Ce n'est pas une variété aux fleurs rouges mais blanches ! Je ne savais pas ! Tant pis et tant mieux, elles sont fières comme des robes de mariées, j'ai mis la grenouille en dessous, la grosse, verte, en porcelaine.

Sous le robinier, des touffes de feuilles apparaissent en bosquet. Montent et se dessinent des boutons au centre. Qu'est ce donc ? Et ce petit rosier qui s'élance, léger, aux petites feuilles, est-ce un églantier ? Jusqu'où ira-t-il ?

Oui, c'est pour moi un printemps particulier. Le premier ici tout entier.