31 mars 2011

Etrange(r) volontaire

Un texte que j'aurais pu mettre ici mais je l'ai mis
car il fait partie d'un récit posé là bas, sur cet îlot à moha. Touta moi.

J'y parle de ce premier voyage dans la vieille voiture vers une association qui m'avait contactée mais que je connaissais ni d'Eve ni d'Adam. C'était dix huit mois après tous nos courriers pour partir en Afrique. Sans réponses. On avait changé de projet. Tu ferais une formation, je preprenais un ancien job.

Et cette lettre est arrivée parlant de la Thaïlande. On était estomaqués. Qu'est ce que c'est que ce truc de fou ? Les coupes gorges à Bangkok et puis quoi encore ? On ne connaissait rien. Rien de rien. Bon sang comme nous ne connaissions rien !!!

Pour ne pas mourir stupides on a quand même décidé de les rencontrer. Nous avons traversé la France une fois de plus. Cette fois de Rouen à Toulon, ça faisait une trotte. On était passés par les gorges du Verdon, je me souviens.

Et puis....

18 mars 2011

Rebrousser

S'arrêter dans son élan, s'avouer vaincu, se connaître, ne pas vouloir forcer.
Ce midi j'ai fait demi tour. A Lyon, à la gare de la Part Dieu.
J'avais tout organisé pour ne pas, ne jamais, avoir à m'y arrêter trop longtemps. Avoir une correspondance entre deux trains qui ne me laisse pas de temps libre.
Le contraire de l'ordinaire. Le contraire de mes passages à Paris, par exemple, où j'aime prendre le temps entre deux gares. Cela me fait du bien.

Un jour je suis même partie en Nouvelle Calédonie en choisissant un vol avec un maximum d'escales, pour le plaisir. Je devais rester dans les aéroports, quelques heures,  mais j'étais ravie.
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Mais Lyon, non. Je l'ai écrit tant de fois, et ici et dans une Plume d'oiseau ailleurs, je ne vais pas bredouiller encore. Mais Lyon, non. Je suis restée déplumée un printemps de mai, il y a plus de quinze ans. Je suis restée à poil de moi, là, et je ne veux pas, plus jamais y trainer.

Rien à voir dans cette gare moche, rien à trainer que du moche. Donc j'avais tout prévu mais pas ce retard de train, et l'attente de trois heures qui s'en découlerait.
Alors j'ai fait demi tour. Sur moi même, direction rapatriement.
Tant pis. 
Sans doute autrefois je ne faisais pas cela. J'allais comme un petit soldat. Portant bagages et courage. Sans demi-tourner, sans rebrousser. Non.

Maintenant, oui. Je rebrousse dans ma brousse, mes coupe-coupes sont-ils émoussés ? Ma fragilité a-t-elle pris le volant ?

Mon chez moi est-il à la fois mon refuge et ma prison ?

15 mars 2011

Paris.

Si Paris n'est pas la ville des amoureux, quelle ville peut l'être ? Venise , me diras tu ? Ou c'est moi qui dit.
Mais Paris reste celle là.

Celle du manque aussi. Celle où, jeune femme, j'arpente les rues à pied sans relâche. Je marche droite, le cou dressé comme un oie au soleil. Les cheveux flottent.

Paris et l'appartement du XVème que j'aimais tant, qui était un chez moi. Les amoureux, l'amour dans le couloir assis sur la moquette. L'amour dans le grand lit de la chambre du fond. Les petits déjeuners qui promettent une longue journée au dehors.

Paris en août, toujours présente à son appel. Paris du printemps et d'un printemps de 1996 saignant. Tu es sur le trottoir avec ton imper vert. Statique, déjà absent. Je suis dans le taxi qui me porte à Roissy. C'est un moment que je détesterai pour toujours. 

Paris quand l'amour te fout une claque, il te lamine, te ruine, tu n'as plus qu'à fuir, les yeux baissés, torrent de boue derrière toi, mains salées, marées d'infortune. Quitter Paris. Quitter Lui.

Plus tard aimer pour toujours. Car tout est plus grand et la place reste vacante, ta place là-bas. T'attend.



Bientôt ?
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Photos de J-F Mallet.

2 mars 2011

Mon impossible Cambodge

C'est ma première sortie hors de Phnom Penh. Nous prenons la voiture, c'est obligé. Un coin où pique niquer, diront les collègues, près d'un lac.

Je n'ai pas vraiment vu l'eau et pique-nique n'est pas non plus le mot approprié. Il y a des endroits où ton sandwich et tes chips te semblent restés mille lieux à la ronde et c'est tant mieux. Tu n'es absolument pas là pour croiser ce que tu connais.

Découvrir un paysage pour la première fois. Entrer dans une ville où tu n'as jamais été. Franchir une rue immaculée de ta mémoire. Arpenter un chemin qui ne t'a jamais vu.  Initier le lieu, t'initier. Faire les premiers pas. 

La voiture blanche, frappée du sigle des financeurs européens, se soulève sur des chemins durs comme une trique. Le Cambodge de ce janvier 1992 est sec, plat, dépeuplé en cet endroit. On se demande où est passée la vie. La vie a été mangée par les khmers rouges il y a presque vingt ans et la terre n'a recraché que de la poussière sans semence. Les canaux d'irrigations sont encore détruits, la capitale porte toujours des traces noires, cicatrices de bombes et de feux, sur des immeubles aux ventres ouverts où des gens squattent comme ils peuvent. Le grand pont n'est pas reconstruit. Sa coupure nette sera pour moi le symbole de ce pays en cette année là. Un choc.  Notre rupture aussi.



J'ai honte de nous en grosse voiture 4X4, avec des vivres et de l'eau potable à l'intérieur, quand je découvre la campagne khmère de l'époque. Sa désolation et sa misère. Nous croisons quelques maisons de bois avec rien autour, cette terre sans couleur et ses trois palmiers rachitiques qui montent au cieux pour se réfugier de ce que le sol ne leur donne plus. Quelques feuilles en l'air, épouvantails malades. La verdure semble encore plus inaccessible. Tu n'as plus qu'à grimper à la force des orteils sur le tronc anorexique pour récolter un peu de jus de palme à transformer.


Certes, la compagnie est bonne et heureuse, une sortie c'est un évènement. Je les découvre, je suis arrivée récemment. Nous n'avons aucune idée de ce que nous allons vivre et qui va, pour certains, sceller nos futurs pour les années à venir et pour toujours me changer. Nous ne connaissons pas encore la force de nos liens. 

Le radio-cassette passe ta cassette de Ferré et d'autres chansons si atypiques dans ce contexte. Déjà tout toi ce jour là. L'ensemble, l'intérieur de la voiture et l'extérieur, ce pays, forme un non-ensemble, une aberration croisée de certitudes fulgurantes qui se mettent en marche. 

Ces sentiments sans cesse contradictoires, tant dans ma vie intime que professionnelle, qui marqueront au fer rouge mon séjour ici.

Avant de quitter le Cambodge, j'accompagne une amie qui consulte une voyante. Chuchotements cérémonieux et traduction très approximative, je passe à mon tour devant la vieille femme khmère qui me regarde avec gravité et presque effroi et me dit que je ne reviendrai pas dans ce pays. Je ne sais pas si je dois la croire ou pas. Sentiment de malaise. Pourtant deux années plus tard je reviendrai, un court séjour. Vers toi.

Et puis après..

 
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