31 janv. 2012

La Miche

Cagnarde, certains disaient, la traitant de flemmarde juste parce qu'elle ne venait qu'au marché du mercredi et pas à celui du dimanche. Elle y écoulait sa marchandise, c'était bien suffisant pour sa semaine. Ils me font marrer, c'est pas eux qui se coltinent la remontée jusqu'aux Retauds, une heure et demie de marche, sauf quand Amédée la prenait en stop.

Elle, ses paniers, sa carriole, son sac de bouffe, ses grosses fesses et son mauvais caractère.

On l'avait appelé La Miche autrefois, rapport à son travail d'apprentie à la boulange. Ca remontait aux années 70, comme elle aimait tout le temps se mettre les mains dans la farine dans le giron de la mère, le nez coincé dans le tablier bleu, le père lui avait trouvé un place à la Boulangerie des Pozzi. Ca ne lui avait pas déplu, au fond.

Mais ca n'avait pas duré. Avec elle, voilà ce qu'elle pense, au fond, avec elle rien ne dure. Elle, c'était quoi son prénom, tiens des fois elle ne savait même plus, crotte ?! Qu'ils lui foutent la paix. Un prénom qu'est ce que ça veut bien dire ? Et puis un nom de famille ne m'en parlez même pas, ça remue trop de trucs, ces histoires. De son temps on se mariait ou on restait vieille fille. Vieille fille elle ne l'était pas, mariée elle se souvenait l'avoir été mais comme elle ne voulait plus d'embrouilles, elle avait repris en douce son nom d'avant, " de jeune fille ?" avait demandé la bonne femme de la Mairie avec un air pincé. Je t'en pincerai moi tu vas voir. Oui, qu'elle avait dit " Dubec, comme l'oiseau. Prénom, Pascaline." Elle maudissait sa mère d'avoir choisi ce prénom de bourgeoise à chapeau pour elle, elle et ses doigts noués, musclés et trappus, sa bouche trop ourlée sur le dessus et son gros nez-de chien- disait la mère. Arrêtes de te mettre tes doigts dans le nez, on dirait un pif !

Il avait fallu aller à la Mairie pour faire une carte d'identité, la sienne avait trente ans d'âge et elle voulait avoir un papier en bonne et dû forme pour traverser la frontière. 

C'est à cause de la lettre qu'elle s'est mise cette idée en tête. Ben quoi ? y'a pas d'âge.

Finalement "La Miche" ça lui était resté, elle aimait bien. Ce mercredi elle a bien vendu ses fromages. A l'ancienne, du chèvre bien frais, qui a dormi dans les cagerottes d'Amédée, ah pour ça, on peut lui faire confiance ! Ses petits paniers tressés sont des petits nids pour mes fromages et il me fait un prix. Ses paniers contre mes fromages. En été, il triple la production avec les touristes qui en redemandent. J'en ai même qui ne veulent que les petits paniers et pas le fromage, alors là je dis non, qu'ils aillent voir le dimanche si j'y suis !


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Quoi qu'est ce ? Un jeu ! Voir mon billet du 27 janvier et le lien chez Mère Castor !
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29 janv. 2012

Cartes doudous



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J'ai repris les collages depuis, depuis quand ? Un peu avant l'hiver sans doute.
C'est une activité simple et prenante qui ne fait que plaisir, depuis chez moi jusqu'à l'autre, un continuum de plaisir,  puisque j'envoie. C'est une activité un peu "doudou". Qui demande peu de matériel même si mon bureau ressemble à une papeterie sauvage abandonnée. Garder les cartons, accumuler des images, des magazines, des prospectus. Comble de joie ma médiathèque actuelle donne tous ses vieux catalogues d'expos ( car c'est aussi une salle d'exposition d'arts plastiques), ses cartes périmées, ses revues dont plus personnes ne veut, ses posters usagés, etc etc. Une mine, donc.



J'ai un public facile pour mes cartes-collages, mis à part toi, ce sont mes trois "mamies". La carte ci dessus pour ma tante qui trouve la vie trop dure depuis que son mari est parti. Elle a passé 80 ans, je ne sais pas si elle veut vivre, elle aimerait plutôt le rejoindre. Elle est grande lectrice, cela la sauve. Quand elle ne reçoit pas mon courrier, au bout d'un mois, elle réclame, je lui ai dit que j'adorais qu'elle le fasse. De plus, elle se fend souvent d'une carte postale parisienne très kitsch pour me remercier de temps à autre. Cela me plait aussi. Ses cartes sont des vieilles photos recoloriées et je sais que cela lui fait une sortie d'aller les acheter et de poster, elle qui ne sort plus guère.

La carte avec le gros chat au lit tombait pile poil ( !) pour Lizzie, l'amie d'enfance de ma mère qui a, elle, atteint les 88 ans l'an dernier. Elle a son compte aussi, je crois. Mais curieusement elle va beaucoup mieux depuis deux ans qu'avant. Avant, trois pertes lui ont cassé le mental et le physique : son mari, sa soeur puis ma mère. Le corps lui en a fait voir terriblement. Ensuite son fils a construit sa propre maison et y a ajouté un studio attenant pour elle. Il l'y emmène tout l'hiver, c'est près de la mer, elle quitte la déprime du village corse de montagne, déserté. Elle se fait chouchouter.

Pourquoi le chat ? Parce qu'elle a une chatte qui ressemble à celui là, une merveilleuse féline qui parle. Un amour de chat. Elle prend soin de sa maitresse. Mais ne remonte plus au village, elle, en été. Elle est trop installée dans le jardin du fils, elle s'éclate. En novembre, L. est donc  redescendue dans "son studio" et a retrouvé sa Minucetta. La chatte lui a sauté dessus, sur le fauteuil, et l'a léché partout, mains, chevilles, visage, chaque bout de peau a été cajolé par la bête aux grands poils, une petite reine celle là.
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Mon Couli tu entends ? Tu sais que tu me manques. Je ne peux pas penser trop à toi parfois, je ne veux pas trop pleurer. Mais je peux maintenant repenser à toi avec amour et joie. Revoir ton petit nez, tes yeux expressifs qui me manquent tant, la communication avec toi qui était exceptionnelle et qui n'est plus là. Le poids de ton corps sur le mien, tu avais mis tant d'années avant de venir câliner, de sauter sur mon ventre et de t'en vautrer. J'avais attendu et souhaité ces moments longtemps, huit ans. Et puis un jour, dans ta deuxième maison, devant la cheminée, après m'avoir beaucoup regardé, après avoir bien pesé le pour, tu avais sauté sur mes genoux, moi assise sur le fauteuil en osier qui allait devenir le nôtre, enfin. Tu me manques de partout petit chat. C'est comme ça. Celui qui n'aime pas ne manque de rien, tu crois ? Ah ha ah, non je ne crois pas.
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27 janv. 2012

Un petit jeu

Il ne faut pas que j'oublie alors je me le mets là...


MC (quoi tu connais pas Mère Castor la conteuse et ses pluches ?...) ...MC propose un jeu, un truc comme on veut, sur la base d'une page d'un dico des mots rares et précieux ( cf son billet, sur le lien, tout en bas)).

 On pioche ce qu'on veut dans les mots tordus et on pose ça en fin de mois sur un blog ou on envoie à M.C....L'histoire démarrera le 31 janvier les poulets ! Ici oui  ici. Puis chaque fin de mois, la suite de l'histoire, petit à petit, ici, cui cui cui.

On verra au final en décembre 2012 comment on se porte et ce que ça a donné !

Voilà. C'est dit.
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24 janv. 2012

Après LE, reste trois livres moins deux

Que lire après Kafka sur le rivage de Murakami ? LE livre.
La question se pose toujours quand se termine un livre qui t'a fait oublier tout. Tout. 
Que reprendre en mains ? Laisser passer un temps ? On est aussi tenté de retrouver un autre voyage, de repartir loin avec un autre.
Le livre refermé est entier dans le corps comme à sa place, on le porte. Il s'est niché.

Que lire après Kafka sur le rivage ? Je me suis laissée allée dans la Médiathèque, comme souvent. Peut être des choses en tête mais sur place tout s'embrouille.

Je prends un polar et deux. Et je cherche dans le fantastique, pour enfants et adultes, un genre d'histoire comme le merveilleux "Croisée des mondes" heureux sois tu si tu ne l'as pas lu, le monde t'appartient.

Je trouve "Le clan des Otori". Tiens au Japon ? Comme un hasard. J'en prends deux tomes. On verra.

De retour chez moi, une semaine après. J'avais bien démarré le polar islandais mais je m'aperçois que je l'ai déjà lu. Je ne pourrais pas en raconter la fin mais un détail, une conversation entre le héros et son fils me confirme que j'ai déjà lu cette histoire. Non, je ne m'en rappelle plus, je pourrais donc la relire, mais j'ai lu ce dialogue avec son fils, leur histoire, son enfance, et cela stoppe net la poursuite de ce roman.
Je tente le deuxième, je m'accroche, IL l'a lu et a aimé. Le Carré, le dernier. Malgré mes efforts je m'ennuie. Les personnages principaux ne me charment pas du tout, c'est très ennuyeux, très. J'ai pourtant admiré l'écriture au début, mais l'histoire me laisse sur le bas côté, spectatrice. Je décide d'abandonner.

le Clan des Otori est mal écrit, enfin, sans finesse mais joyeusement. Se lit comme une histoire le soir au creux du lit, je pourrais la lire à haute voix. La trame est archi classique, un enfant qui ne connait pas son père, un chevalier qui adopte l'enfant, des royaumes, de la neige, des hérons, des méchants, des mariages arrangés dans des palais glaciaux. Cela passe tout seul et on fait des beaux rêves.
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20 janv. 2012

Des dessins voyagent





a envoyé cette année des cartes géantes en papier de soie qui se déplient et voyagent de destinataire en destinataire. J'ai eu le plaisir d'en recevoir.

L'idée c'est qu'elles reviennent un jour, remplies, au bercail de naissance. Mais vont elles prendre des poudres d'escampette, seront-elles noyées au milieu de l'Atlantique ou dans les eaux du Mékong ou dans une baie bretonne ? Tout cela nous ne le savons pas. Ou bien la Poste franchouillarde va-t-elle en prendre une en otage et menacer de représailles ? 

Enfin, bon voyage la carte ! Je me suis amusée sur ce coup là, un petit dessin....



J'étais donc la quatrième à mettre ma papatte dessus.
J'aime mieux les voeux en janvier qu'en décembre car en fin décembre j'ai toujours le bourdon.

Les moutons ? Sous ma fenêtre ? Bê non. Bouh, sont partis hier un peu plus loin, dans la pente au bout du champ, remarquez ils doivent être mieux parce qu'il y a quelques arbustes et il plouille, ils pourront se tasser dessous. Ce sont des valeureux, tout bénéfice pour les proprio des terrains : tonte et engrais naturels garantis. Ils me manquent déjà.

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18 janv. 2012

Quatrième jour avec eux

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Quand le jour se lève à peine, il y a des êtres en rond dans le champ glacé devant chez moi.
Ils sont plus d'une centaine, ils sont arrivés dimanche, ils sont muets. Ils ont enveloppé l'atmosphère, ils me fascinent. Ils se regroupent pour dormir et à l'aube je ne fais que scruter la masse noire qui s'éclaircit , pour voir comment ils se réveillent, comment ils ont dormi.

Ce matin, tiens ?, ils parlent. Ils bêlent, enfin ceux qui sont autorisés. Ils ne parlent pas pour ne rien dire ces moutons là. Silencieux depuis quatre jours, voilà maintenant que les chefs appellent de temps en temps et que tous les rejoignent pour brouter au même endroit, je ne sais pourquoi.
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Le boiteux va mieux et d'ailleurs ils sont deux.
Et puis le gros bélier a quelques soucis avec une femelle. Il ne sait plus trop par quel bout la prendre, c'est le cas de le dire !
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Oui, ben je voudrais bien vous y voir, moi !!

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Pffff
;-))

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11 janv. 2012

Mars en janvier

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J'ai terminé "Kafka sur le rivage" de Murakami. Un voyage. Une autre vie.

Je reprends Rosa candida. Un voyage aussi. J'en aime beaucoup certaines parties, rocambolesques, avec un style minutieux et ciselé que j'ai aussi trouvé chez Murakami, mais tout autre chose.

Sur le canapé-chocolat je lis.
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Dehors je regarde le soleil, affalée sur le canapé, un coussin sur mon ventre, un coussin sous mes pieds. Le soleil, ce voyageur. Il rend le ciel bleu, il emmène mes bagages. Il gonfle les ruisseaux de l'eau de neige. Il fait mars en janvier. Il me fait rêver de contretemps et marées, de mars en janvier, de mai en juillet, d'années en années, de maintenant à plus tard, ailleurs.
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6 janv. 2012

Le courage

Le courage, sans le courage de dire qui l'on est à qui ne souhaite pas nécessairement l'entendre est ce qui me permet de sortir des ornières.
Hier au travail j'affirme ce que je veux et ne veux pas, j'affirme ma fragilité et ma force, la force de la fragilité, la transformation par des actes, les mots qui vont avec, j'affirme ma place, telle que je la revendique et non la prend passivement.
Le courage vu de l'extérieur parait facile, parait juste téméraire, parce que celui qui ne le vit pas et l'observe chez l'autre ne sait pas le revers de la médaille. Le courage parait capricieux pour celui qui a le nez collé dans l'ornière, les rêves plaqués au sol. Le courage de se lever et dire MOI.
 Le courage de se lever et dire NON. Le courage de ne rien savoir ensuite de ce qui se passera. Ce courage là, cette énergie je ne l'analyse pas. Quand elle passe elle est essentielle et sans elle je serais déshabillée en hiver. Cette vie pleine de courants d'airs qui veulent notre peau.
Le courage c'est ne plus penser à l'autre et ne plus en dépendre totalement. C'est couper le fil de la peur, se sentir libres entre nous, libres de nous, adultes, confiants et non confinés dans ce que nous pensons les uns pour les autres. Ce qui "serait bon" pour toi, " ce que tu crois bien" pour moi. Le courage c'est ne plus penser pour les autres, à leur place, en les croyant dans nos girons, en nous croyant dans les leurs.

C'est ce cordon différent entre le monde et moi et les autres.
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2 janv. 2012

Où est-il ?

Je l'ai perdu il y a presque deux mois et cela me parait éternel déjà. Je n'arrive pas à me souvenir de mon chat correctement. J'ai sans doute mis un pansement sur ma mémoire ? 
Je ne sais plus sa douceur, je ne sais plus sa présence fidèle, ses gestes, ses regards. Je ne peux pas regarder les photos parce que là, oui, le pansement tomberait et le sang coulerait à flots de mes larmes. Cela je ne le peux.
Je suis culpabilisée de ce rejet intérieur, de ce refus de le garder vivant en moi. Sans doute je ne suis pas prête. Je suis partagée de sentiments contradictoires. N'avoir plus qu'un seul chat à la maison maintenant et un chat distant, qui n'utilise plus la litière comme un dingue, qui ne miaule pas la nuit pour réclamer trois croquettes, c'est reposant en un sens, c'est un poids en moins, moins de présence, plus de calme, on se retrouve entre humains à deux pattes plus souvent.

Il n'y a plus cet amour chaud et insistant, il n'y a plus ses poils, ses pattes, ses ronrons. Ceux là manquent énormément à son maître auprès duquel il dormait. Serrés l'un contre l'autre. "Je me réveillais et il était là entrain de ronronner tout seul, comme ça" me dit-il. Il l'apaisait, le consolait, l'illuminait.
Pour moi c'était comme un enfant, un bébé à peine capricieux. Il connaissait mes manières, il se collait avec moi sur le fauteuil en osier du petit-dejeuner. Non, je n'ai rien oublié, c'est juste que je ne trouve pas la juste place, la bonne place où être avec lui. Je ne sais pas où il est allé. Je n'arrive pas à caresser son âme. Son maître aussi est perturbé. "Il y a un truc qui ne va pas" répétions nous dans le mois qui a suivi sa mort. C'est comme si notre ami était resté trop longtemps dans sa souffrance, c'est comme si nous ne l'avions pas assez apaisé, comme s'il restait encore trop à dire entre nous. C'est comme si cette agonie horrible avait pris toute la place, elle a vicié notre air, notre coeur, elle nous étouffe encore.  Lui, il  voulait tant vivre, résister, il n'a lâché que quand ses poumons étouffaient, et encore...Il refusait de mourir, il était en colère et têtu. IL refusait l'idée de nous quitter, de ne pas se guérir cette fois là comme toutes les autres. Nous reste ce sentiment d'échec malgré tout, et d'impuissance.

Trouver le repos, alors, ensemble, est encore difficile, je peux dire impossible. Je dis parfois qu'il faut du temps. Mais un poids repose sur ma poitrine et m'oppresse. Je n'arrive pas à ouvrir les mains, laisser libre l'oiseau du souvenir, laisser ouvertes mes paumes et ne plus retenir la douleur. Je veux être sûre qu'il ne souffre plus et de cela je ne suis pas sûre.
Où est-il ?

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Chaque chose pèse, me mettent en sursis du bonheur, me gâchent tout en un rien de temps.

Novembre a été dantesque, décembre m'a vu rebelle et colérique au travail, en état d'épuisement psychique, et dernièrement, une personne de ma famille ( qui ne fréquente ni les blogs ni le net ) est tombée sur un de mes blogs très perso. On venait de se voir, je relatais un beau moment entre nous. Je le faisais par joie et complicité et envie de partage avec de rares lecteurs amis. J'y relatais quelques phrases que nous avions prononcé dans la voiture. Cette personne a été choquée, révoltée sur le coup, pensant que je méprisais notre intimité. Je fus dévastée, j'ai dégringolé une montagne que je commençais à peine à escalader, je commençais à aller mieux. Je me suis éboulis. Avalanchée, détruite en petits morceaux par terre tout en bas de la vallée au milieu de milliers d'autres pierres cassées. Quelle tristesse de blesser quelqu'un comme cela, sur ces espaces de lectures privées et d'écritures où nous donnons beaucoup de nous mêmes, petit à petit en confiance, ces bouts de pages qui nous aident à vivre. Ce fut pour moi un cauchemar. J'ai alors mis des blogs en privé, en suspension dans le vide de l'avalanche. Sans équilibre. 

Maintenant je me dis que le mal est fait et qu'il se refera. C'est mon lot. C'est aussi le lot du lecteur que de prendre du recul, et ne pas penser que je me fous de lui, ni que je mets en pâture ma vie et la sienne.

Que devons nous partager ?
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