Depuis une bonne année je ne travaille pas.
Fin de CDD. Au début j'ai eu peur de mijoter dans mon jus, je n'avais pas choisi de cesser une activité qui me passionne. Je me suis lancée dans la peinture et j'ai participé à un atelier au village.
L'année scolaire s'est écoulée dans l'énergie de la création, avec l'atelier démarré avec des femmes analphabètes, bénévolement, sur le lieu de mon ancien boulot. Une expérience extraordinaire dans laquelle j'ai investi totalement. Pôle emploi n'a cessé de me dire que je devais me faire financer et ne rien créer sans rétribution. C'est une idiotie. On doit d'abord créer, pour soi et les autres, durant une période de chômage. Exposition en mai. Un succès. Une forte émotion qui m'a fait pleuré à l'inauguration.
Après l'été j'ai appris qu'un nouveau contrat me serait proposé, sur 18 mois. Temps partiel. J'ai eu un moment d'hésitation à l'idée de perdre mon temps libre, qui est une joie. Par ailleurs je souffrais de ne plus travailler auprès de ces femmes étrangères, dans un cadre souple, très créateur aussi. On se rouille un peu quand on ne bosse plus, on devient fainéant, Oh se lever le matin ( trois matins pour moi) !? Oh prendre la voiture pour 20 mns de route glacée en hiver !?! Je sais que c'est la dernière fois que je vais travailler "autant" c'est à dire 13h payées - mais en incluant les longues coupures du midi sur place, finalement 20 h - plus les prépa à la maison, en bibli, etc. Ces préparations de "cours" sont stimulantes pour la préretraitée que je suis, cela me motive. J'ai souvent le sentiment de ne pas exploiter mon cerveau suffisamment. Cela lui remettra de l'huile là où il faut.
Après ce contrat j'arriverai sur mes 56 ans, j'aurai deux ans d'assedic devant moi. Ce sont des considérations qui sont incroyables à penser mais le sujet de la retraite est LE sujet dans ma maison. Non seulement sur le plan financier mais sur le plan personnel, organisation des temps, des vies communes. Or donc, c'est moi qui vais m'y coller pendant que l'autre va profiter de son temps libre, enfin.
Il va y avoir des lundi. Je le dis parce que c'est dimanche. Combien de lundi, combien de capitaines, combien de matins où on resterait bien au lit ? J'aime travailler avec le sourire et apporter du sourire au travail. Je ne dis pas que je n'ai pas de mauvaises humeurs,ou, plutôt, qu'il m'est difficile de ne pas dire ce que je pense. Au travail on pense, mais parfois se taire est bon. Je ne sais pas. Je suis trop autoritaire. Je suis décidée à prendre ce CDD, le dernier d'une carrière totalement cahotique dans un tas domaines professionnels, je suis prête à le prendre avec le sourire au delà des râles. Des lundi à moi sans sortir du lit si ça me chante, j'en aurai toute ma vie ensuite. J'ai toujours préféré les contrats provisoires à ceux plus définitifs. Je me sens libre et surtout on sait quand ça termine. Ce qui permet de sourire et moins râler. On sait quand la porte s'ouvrira sur une autre liberté.
Un lundi, donc, d'ici quelques semaines, je serai dans la vague des travailleurs, provisoirement.