27 avr. 2011

Jaunes les roses et nous les zigotos ?

Le notaire n'en revient pas " Je n'ai jamais vu un dossier aller si vite ! On a signé quand ? le 8 avril ?"
La dame de l'agence est bouche bée "Ah bon vous avez déjà pensé aux travaux ? Oh ben vous êtes déjà dedans alors ?!"

Ben vouiii. Et ce matin tite mère c'est moi qui ai fait ta job mais je m'en fous. A la mairie j'ai poireauté jusqu'à ce qu'on me donne les deux paplards qui manquaient. Y zont été bien sympas d'ailleurs.
Voui je les ai amené myself au notaire, moi myself sur mes deux pieds, Le Sieur n'en revenait pas, ma chère. Et il m'a confirmé que la Banque de la proprio devait fournir un document et que cela prendrait du temps. Ô douce France et tes documents par milliers que le Monde entier nous envie ! Nous sommes im-ba-ttables dans le genre je cherche des poux, je cumule les photocopies, je veux cet exemplaire et vous me le mettrez par écrit siouplé.
Y z'en reviennent pas qu'on veuille les clés et démarrer les rendez-vous avec la troupe d'artisans qui vont nous aider à remettre cette bicoque debout ? C'est bien, ils ont le temps dans la tête. Pourquoi on l'a pas, nous ?
Because....C'est vrai du coup, comme d'hab, je me demande "Mais pourquoi on a l'air de sioux, de fous, de pas comme les autres ?"

Toi t'es toi tu trouves normal de penser comme tu penses, tu agis, tu bouges avec tout ce qui t'a créé, t'a fait dans ton bocal. Et pis y'a un ti poisson rouge de l'autre côté du calbo qui te regarde et se demande si t'as eu tes graines ce matin ou si c'est quoi cette potion que t'as avalée dans son dos pendant qu'il bullait de bon matin.

Oui, mon amour, c'est toujours pareil, on brusque, on dérange, on se faufile pas dans les interstices qu'il faut. On n'attend pas.
Voilà ça doit être ça, on n'attend pas. On laisse pas couler, on n'attend pas. Pas tout seul, pas sans avoir tout essayé.
Et quand je les vois, Dame Agence et Sieur Notaire ( jeune et très chouette ceci étant), quand je les vois penser qu'on est des zigotos pressés du bocal, je ne trouve rien d'autre pour m'expliquer ce décalage : oui on n'a pas su attendre dans nos vies. On est des hirsutes, des qui n'en veulent leur malabar, leur tranche de vivre, on va mourir demain, c'est la raison de la cause de notre turbin, de notre remue méninges.

Ce n'est pas qu'il y a urgence, c'est qu'il y a . Oui la maison dort, elle a tout le temps, elle attend depuis cinq ans, une vraie Belle au bois.

Mais nous on dort plus depuis vachement longtemps. On a épuisé les lauriers-oreillers et les belles lurettes. On ne sait plus rien de rien, on est des inquiets de la vie mon amour. On n'a pas le temps de tourner autour.
Loin je t'ai rencontré, t'étais déjà tout couturé. Toi ça se voit, moi je le cache bien.

Alors au jour de ce jour, c'est vrai ce qui nous reste ce serait peaufiner les contours, fumer la moquette des rêves, faire semblant d'être sûrs.
On parle de la vie, on parle de la mort. Cette maison m'oblige à faire un testament. Toi tu dis que je suis plus prête que toi à mourir, qu'un jour je te l'ai dit. Zut, t'as une mémoire d'éléphant !
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Jaunes. En fait je voulais dire, il y en a même des jaunes. A chaque fois que je vais dans le jardin, ce futur jardin, oh ce matin j'ai fait un rond avec des pierres au centre. Un début de spirale, en gros. Je plante jamais droit, j'ai pas le choix. Ca me vient tout seul en binant, en fourchant, je suis sur un balai de sorcière, ça me vient tout seul, et je plante en rond ou en vagues. C'est comme ça.






Jaune roses. Après les roses puis les rouges. Celles là sentent la mémé et la pêche blanche ( ma préférée). Plus docile, rangée en hauteur comme des pois de senteurs.




Or donc j'accumule les roses du jardin, je les ramène avec moi faute de clés, je ramène des pétales et je les accumule. Les clés je les emprunte à Dame Agence pour profiter du jardin quand même, malgré les paperasseries de Douce France qui ne sont pas encore toutes arrivées. Seigneur Notaire se marre et dit "Ne croyez pas au miracle, il nous faudra encore 15  jours".
Dame Agence, qui n'a jamais vu ça de toute sa carrière, m'a finalement lâché " Allez, la prochaine fois gardez la clé du portail avec vous pour être libre d'y aller quand vous voulez".

Je crois que je l'ai eue à l'usure....hé hé.

23 avr. 2011

De loin, elles. Ceux qui ne savent pas combien on les aime.

J'avais un peu plus de vingt ans quand elle est née. Cette nièce n'était pas la première mais elle aurait une histoire particulière.

Sa maman était voyageuse et elle était devenue une amie aussi, presque une grande soeur car elle et moi et mon frère on avait cohabité pour ma dernière année de lycée.
Elle a fait ses bagages et vécu seule au Vénézuela avec sa fille, toute petite. Puis au Canada, elles ont construit une famille avec un vrai papa et deux autres filles sont arrivées. Des splendeurs elles aussi.

Je n'ai plus jamais revu ni cette mère ni cette fille qui porte un morceau de mon nom aussi.

Je les portais en mon coeur, ma mère et ma soeur aussi les portaient, les aimaient, même sans nouvelles.

Et puis cette amie lointaine, mère d'une nièce, un jour m'a téléphoné. Sa fille avait vingt ans et voulait passer en France voir cette partie là de sa famille. Pourrais je la recevoir ?
J'ai cru tomber par terre mais j'étais déjà assise sur la moquette avec mon coeur au plafonnier, éclairé.
Je suis allée la chercher à la gare, c'était il y a dix ans. On a bu en terrasse. Elle est belle, elle a un sourire à mordre dedans. Elle a une tête remplie et de la gratitude pour tout ce qu'elle voit.

Depuis, elle a quitté Montréal pour vivre à Londres. Il est beau aussi son aimé, son amoureux. Sur facebook leurs photos font chaud.
C'est pour elle et pour ses soeurs et pour leur mère (que j'ai revue il y a quatre ans ...pas vue depuis 25 ans !) que je me suis mise sur facebook. Elles ne sont pas du genre à écrire, elles ne répondent jamais aux courriels. C'est comme ça.

Et puis il y a deux jours elle m'a demandé mon numéro de téléphone. Et hier j'avais sa voix sur le répondeur. Sa voix.
Zut, je n'étais pas là. " Je rappelerai demain" a-t-elle dit.

Et demain c'est aujourd'hui.
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12 avr. 2011

Bouffer ses souliers.

Enfant je ne sais pas qui je suis.
Il y a bien cette photo noir et blanc de moi sur une chaise haute, hilare. Je dévorais du gruyère rapé avec les mains, une de mes activités favorites. Apparemment ça plaisait à tout le monde.

Je viens d'écrire dans un commentaire, ailleurs, que je dévorais aussi mes chaussures blanches et souples, que je nommais mes "lulu". Tu vois le blog me sert aussi à cela, à faire fil d'une idée, à reprendre des mots, des souvenirs. De toi à moi. 

Je revois cette photo. Je suis dans la poussette et je suis penchée sur mes godasses. Je les mange des yeux. Je ne sais pas encore marcher mais je bouffe mes souliers. Je les vénère. Je les suçais, je les mordais, je les machouillais, je les érafflais, je les griffais. Bon sang qu'est ce que je leur disais ?

Ainsi sont les humains et les bébés, qui bouffent leurs souliers encore dans leurs poussettes et puis un jour sautent sur leurs pieds pour aller danser.

Je vais déménager. C'est la cent millième fois. L'être humain est un errant. Je mange mes pas, je croque mes sentiers, dévale la colline sans vouloir savoir ce qu'il y a en bas.  

Je vais encore un peu me délester car là où je vais je sais que je vais, en quelque sorte, accumuler. Je me poserai des heures durant devant l'ordinateur rouge et j'écrirai. Je me pencherai, je creuserai, je m'envolerai.


Non, et puis, non. Je ne ferai rien. Tu verras bien.

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