1 févr. 2010

Le buffle et l'enfant.

J'étais très étrangère dans cet endroit.
Le Laos, un pays très doux, très vert, où peu de routes existaient à l'époque.
Nous étions au Nord, dans la campagne, avec des collègues allemands formidables dans leur projet d'agriculture avec les paysans.
Je venais de voir des vergers nouveaux, des promesses d'auto-suffisance et d'autonomie villageoise.
Nous étions, nous, avec nos voitures tout terrain, nous les étrangers, vraiment très étranges.

Prenant le temps de revenir vers la route, je m'éloignais, à pied,  sur un chemin.
J'étais dans ces lieux où tu cherches l'écho de l'espace, de ce qui t'entoure, pour savoir comment
te faire une place, te donner un sens à cet exact moment, dans ce lieu magnifique où rien ne t'est ni acquis, ni commun ou connu.
Les yeux aux aguets, rêvant sur la beauté de ce que je voyais, y croyant à peine, comme toujours quand j'étais là-bas.

Et passe cet enfant sur son buffle. Plutôt ce buffle et son enfant.



Royalement. Lent, chez lui, fort et lent, oui, nonchalant.
L'enfant était un Prince. Droit, fier, aimant son ami le buffle.
Le buffle était son ami, son confident, sa demeure.
Il lui parlait.
A peine un coup de talons pour le diriger là où tous les deux voulaient aller ensemble. Oui, ensemble.

Ils ne m'ont pas vu, je ne fais pas partie de leur planète.
Sans doute quasi transparente à leurs yeux, sans interêt.
Moi je les vois. Je suis emportée par leur grâce. Le geste et l'outil de l'enfant.
Son assurance, leur communion.
Il sait exactement ce qu'il fait et pourquoi.
Ils savent.

Je suis arrêtée net dans ma tête.
Le moment se grave éternellement en moi.
C'était il y a treize ans mais c'est hier.  Et leur mouvement, serein,est resté quelque part dans un de mes recoins.
Là où ça fait du bien.
 

Lôlà

16 commentaires:

Epamine a dit…

Qu'est-ce que tu veux qu'on rajoute à un tel billet, hein? Dis-moi un peu!
Quand tu nous racontes des histoires pareilles, des merveilles, on a les yeux qui piquent, le cœur tout gonflé d'admiration et de tendresse pour ces deux êtres attendrissants et y'a pas de mots pour dire plus...

Pat a dit…

Sabaïdi,

Merci bien!
C'est en effet merveilleusement raconté et cela réveille aussi en moi bien d'autres souvenirs, de la même région, il va y avoir 13 ans aussi, on s'y serait -ti pas croisé à Phonesavanh?

Amicalement,

Pat.

Lôlà a dit…

Merci.
Bienvenue "Pat"..je ne sais pas. J'ai travaillé avec E.S.F au Laos en 1996...
Contente de ton passage. On peut te lire quelque part ???
notre e-mail :
latortuelegere@gmail.com

Gato Azul | Chat Bleu a dit…

Lôlà... je viens d'envoyer sur dans l'éther le dernier texte traduit, plus tard aujourd'hui je commence le prochain et j'ai suivi votre lien jusqu'ici :-) c'est joli, ici. je reviendrai me resourcer. merci pour le tuyau concernant Venise (et bon anniversaire).

Olivier de Vaux a dit…

Que ce texte est beau ! Vous m'avez donné l'idée de regrouper tous les moments de grâce apportés par la voie des blogs : votre texte sera le premier d'un recueil que j'entends bien constituer tout au long de cette année 2010.
Merci Lôlà !

Pat a dit…

Bonsoir,

On peut retrouver un peu du Laos ici,

http://lepaysdessourires.xooit.com/index.php ou je continu d'entretenir ma passion pour ce pays et je serai ravi de vous y acceuillir.

C'est un coup de pub pour moi, et je comprendrai si vous supprimez mon message.

En fait j'ai quitté le pays en 1996, j'étais dans une auberge à Phonesavanh...

Amitiés, Pat

Lôlà a dit…

Bienvenue tout le monde !
Merci pour vos regards bienveillants, je les garde au chaud.

croukougnouche a dit…

animal et humain, ensemble..
Sur cette terre qu'on partage..

Anonyme a dit…

J'aime les textes qui donne l'illusion que le temps s'étire, comme un cadeau que la vie nous fait, une petite suspension dans l'air où se répand une odeur de bonheur infini. En cela, ton texte est une halte magnifique dans l'infinitude du temps, peut-être grâce à ton talent qui a su si bien décrire cette lenteur d'un autre monde...

colibri a dit…

Bonsoir Lola, je te croise souvent par ci, par là, chez Sacha, notamment, je suis venue plusieurs fois en silence savourer tes textes qui me touchent beaucoup, je me souviens de celui sur Léon, par exemple, mon commentaire était trop long, j'y avais renoncé... Aujourd'hui, je respire cette lenteur que tu as si bien restituée de mes origines asiatiques, je laisse seulement la magie des mots opérer et je m'en vais sur la pointe des pieds pour ne pas troubler cette suspension du temps...

Lôlà a dit…

Bienvenue Mona et Colibri !
Mona que je vais découvrir... et Dame Colobri chez laquelle aussi je suis allée. Quelle bavarde ! ET grande amoureuse des animaux qui parlent mieux que les humains...

Djoz a dit…

J'en reste sans voix... Je viens de le voir passer sous mes yeux à travers tes mots. Quel cadeau !!!
Merci lôlà !

Stéphane a dit…

Vous avez travaillé avec E.S.F? Je ne savais pas qu'il y avait des pistes de ski au Laos...

C'est, une fois de plus, raconté avec le coeur au bout des doigts du clavier. Cà m'a fait penser au film de western où le cavalier solitaire descend lentement un coteau escarpé en harmonie avec son cheval et la nature. Des moments de paix.

Dana a dit…

"je ne fais pas partie de sa planète"... mais, peut-être que pour quelques moments seulement, vos pensées se sont rejointes quelque part.
Instants de grâce qui nous ramènent à l'essentiel.

noèse cogite a dit…

arrêté net dans ma tête..J'aime ce moment saisissant

Lôlà a dit…

Bonjour à tous sur ma planète !