Cette semaine, de mon temps libre je ne fais presque rien. Je marche dans la maison, de haut en bas, je cuisine beaucoup, comme d'habitude, parce que sinon tu manges quoi ?
Mon temps libre m'enserre, gonfle au fil des heures, me pèse peut être au point que je m'agite dans un même espace intérieur. Je mange mais je me mets debout aussi, je t'envoie un texto, j'écoute la radio, puis je retourne à la cuisine. Debout je regarde les oiseaux par la porte-fenêtre et je suis heureuse de revoir mes amis, le rouge-gorge surtout, qui a chanté quand j'étais dans la salle de bains, de ses trilles aigues et douces, mon ségnorito.
J'ai terminé le polar hier soir, à m'en décrocher les yeux. J'avais un peu décroché, mais je voulais savoir, à la fin, les dernières pages. Merci à Tifenn qui, en des temps tristes de confinement, m'avait indiqué des lectures quand j'en demandais. Ian Manook écrit vraiment bien. Le premier de la série, titré Yeruldeger est éblouissant. Il y a de tout dans ce livre. De l'action, de la vie mongole, des traditions, des moines, des méchants, de la baston, des paysages, des chevaux, des êtres qui s'aiment, des collègues, des mômes perdus, des montagnes, des rituels, du thé au lait caillé, des mets dégueulasses comme la tête de chêvre et bien plus, des beignets douteux, des raviolis dans des jus gras de moutons. C'est cru, faut y aller. Il y a aussi de la politique, des avenues staliniennes, des monuments géants, dans un pays que nous connaissons très très peu.
Le deuxième livre de cet auteur va jusqu'au Havre et je n'ai su qu'en penser de cette coincidence, tandis que la veille j'avais passé des jours à retrouver cette ville sur le net, à m'y promener en direct dans les rues et le front de mer et à retrouver mon si coquet appartement d'étudiante, proche de la mer, un joyau. La cuisine donnait sur une cour d'école, c'était gai. Une amie, étudiante aussi, est venue y vivre, quittant son quasi grenier à 12 degrés, partagé dans une vieille maison avec deux garçons charmants. L'année d'après on a pris un plus grand appartement mais moins chic. Toilettes sur le palier avec vue sur mer, les tempêtes entraient dans les chiottes, ainsi que le sable, par la fenêtre vieille passoire. Merveille. Pas de salle de bains, une grande cuisine et son évier, une belle salle et une chambre. Elle dormait dans la salle, moi dans la chambre. Tout coulait de source. C'est dingue le nombre de personnes avec lesquelles j'ai pu partager des logements et où tout coulait de source, comme si on était de la même famille. Famille de coeur, de vrai, de tout. C'est l'âge aussi peut être, ce n'est plus aussi simple aujourd'hui. Quoique. Peut être.
Je voulais avoir terminé ce livre, le rendre en médiathèque, pour m'emparer du dernier livre de Carrère. Ce que je vais faire ce soir. Je l'ai acheté, c'est un évènement, j'achète très peu de neuf. J'ai aussi acheté le dernier Damasio, science fiction visionnaire. Les furtifs est le titre de ce livre-monde comme il les appelle. Cet auteur est un monde en soi, créateur de nouveaux mondes, lançeur d'alerte sur l'humain qui fout le camp dans les Data, visionnaire hors pair, capable d'écrire sur les sons, les langages, les spiritualités, les armes du futur, les rebelles de tous les pays, poète, rêveur, activiste de l'âme. Il a, dans ce livre, inventé un être hybride, le furtif, qui te troue le coeur de beauté et d'originalité. Ce livre est un quitte ou double, soit tu montes dans l'aéronef et rien ne te fera descendre, soit tu ne comprends plus rien et tu cherches trop à comprendre, tu perds patience devant la masse de signes et de pages et tu descends. Les livres d'Haruki Murakami me font cela des fois. Régulièrement. Je dois trouver la pépite qui m'emmène. "Kafka sur le rivage" a créé ce miracle, que je n'oublierai jamais. J'ai ensuite acheté le livre, j'achète mes guides, mes modèles, mes émerveillements, les troubles majeurs.
Comme "Le chat qui venait du ciel". Un petit livre japonais. Pas si petit que cela. Unique, exceptionnel récit du rien et du tout dans une allée, une maison nouvelle, une vitre ronde, l'arbre immense dans le jardin voisin, et un chat qui passera, âme-tournante dans une vie.
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