17 déc. 2018

En ce moment

En ce moment je peins. Je ne fais que cela depuis dix jours. On ne sait pas d'où cela vient.
C'est une petite frénésie. Je ne suis là pour personne d'autre.
Je peins le matin en pyjama à peine le petit déjeuner avalé, puis je ne pense qu'à peindre, alors j'y retourne, je peins aussi en début d'après-midi, puis je me calme un peu. Mais il peut m'arriver de peindre le soir, debout, la nuit dehors, l'ampoule au plafond.
Je ne sors guère.
Dans mon atelier on m'attend. Je n'ai besoin d'aller nulle part.

Je mets la musique à fond, des rythmes plutôt vifs, Prince, Kate Bush.
J'ai toujours aimé K.Bush mais je la ré écoutais peu jusqu'à ce qu'une émission de radio y consacre une semaine entière, tous les soirs. Je ne connaissais pas sa famille, son enfance, ses débuts. Une famille d'artistes avec une tradition folk irlandais, voilà une raison de plus de savourer certains de ses morceaux. Elle composait dès le collège, autodidacte au piano, et à 16 ans D. Gilmour des Pink Floyd, copain de ses frères musiciens, lui roulait tapis rouge dans une maison de disques. Une surdouée.

J'écoute la musique à fond, je disparais de ce monde.
Je fais et re re fais des petites peintures qui se transforment totalement de jours en jours.
Autrefois je ne savais pas faire cela, reprendre et reprendre.
J'apprends des mélanges, des ratés, des rendus merdiques au séchage.
Je colle des papiers de soie sur tout et je recommence, laissant entrevoir ce qu'il y a derrière, un immense bouquet devient parfois un paysage sur lequel une tasse ou un fauteuil se colle, se fond dans de nouveaux paysages.
J'utilise de l'encre, des pastels,  et de la peinture blanche de chantier, bien dégueue.
Pour la peinture je n'ai pas accès à toute une palette de couleur, mais mes cinq pots d'encre me suffisent bien et j'aime être contrainte en peinture ou dessin, c'est à dire faire avec ce que j'ai.
Poser trois couleurs et faire avec. Avoir une gouache de mauvaise qualité et faire avec. Ne faire qu'au feutre, ou n'utiliser qu'un stylo bille etc. C'est très formateur.
J'aime aussi pour cela l'atelier auquel je participe chaque semaine ou la prof nous propose un type de papier et un choix de matériaux spécifiques pour faire un exercice. Moi qui aime la liberté, j'aime ces exercices où j'apprends grâce à ces propositions que je n'aurais pas chez moi.

Je colle avec de la colle pour papiers peints, qui se décolle au bout de quatre ou cinq épaisseurs.
J'en mets une autre.
J'ai idée de faire des choses avec pas mal d'épaisseurs, il faudra d'autres colles, mais je n'en suis pas là.

C'est la seule chose qui m'intéresse en ce moment, je suis attendue, j'y vais, je ne fais rien d'autre et rien ne me parait important, en comparaison.

Je n'écoute pas la radio ou peu.
Le soir je suis épuisée, sans être sortie, sans avoir marché.
Je me coule dans mon lit très tôt et je m'endors dans un coma bienheureux.
L'autre nuit j'ai rêvé d'un appartement vide, avec une belle vue en hauteur, sur une ville.
J'aime rêver d'appartements inconnus.
Il y a toujours une cuisine qui donne sur une arrière cour. J'ai eu deux appart comme ça. J'aimais beaucoup. Des vieux appart.
Celui de mon rêve n'était pas vieux. Tout blanc, tout neuf, prêté, peut être, mais pour une nouvelle vie. Très lumineux. Une fenêtre proche d'un grand lit avait ses volets fermés depuis longtemps. Je vais pour les ouvrir, mais cela résiste. Délicatement j'essaie de dégager de l'espace pour ouvrir et plier le volet de bois, mais un nid de mésange s'est presque collé aux volets restés trop longtemps fermés. Je parviens tout de même à pousser le volet et me voilà nez à nez avec une mésange, avec laquelle je converse gentiment, en lui disant que je ne la dérangerais plus. C'est bien un arbre qui soutient le nid, arbre qui pousse contre les vitres. Au moment de refermer la fenêtre, je vois aussi, sur les rebords du mur, le long de la fenêtre, en haut, des insectes genre hannetons, jolies carapaces, pattes frêles, qui ont fait des tunnels végétaux et vivent là, autour de cette fenêtre, qui décidément, n'est pas une fenêtre comme les autres.

J'aime les rêves où je m'installe dans de nouveaux appartements tandis que chez moi je quitte le monde dans mon atelier.





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5 commentaires:

Lise Julien a dit…

J’adore ce texte, la liberté dans la création, le rêve... moi aussi j’aime les contraintes et je réussis souvent mieux quand j’ai un choix limité. J’ai souvent rêvé à des maisons labyrintiques où entrer dans une pièce conduisait à une autre pièce, puis à une autre et une autre. Dans chacune des scènes se déroulaient, comme dans un film dans lequel je devais m’inscrire... j’aime beaucoup ce que tu fais dans une totale liberté...

Frederique a dit…

Travail assidu dis donc ! Tu fais résidence peinture chez toi, bravo ! J'ai encore des tubes de peintures qui dorment et qui viendront en Drôme :) Valérie, ma copine de l'atelier, se donne très souvent des contraintes aussi bien en collage qu'en peinture. Trois couleurs max, trois formes max, 3 pages de magazine max. Cela marche souvent par trois, et elle fait souvent des séries de 4. Moi je fais de plus en plus petits, de plus en plus avec des chutes, des contreformes..
Bon tu ne nous en montres pas beaucoup beaucoup des oeuvres ! Des photos on veut plein de photos

LAURE a dit…

Frédérique

Oui pas trop de photos car je ne sais pas encore à qui j'enverrai quoi ou pas

Ce qui est d'ailleurs un progrès : je fais, par recherche, plaisir mais pas adressé et pensé pour quelqu'un de précis, ce qui est souvent mon moteur


Merci de ton soutien !

La tortue légère a dit…

Lise

Merci de ce commentaire qui me fait du bien et très plaisir.
Ah tu rêves aussi de maisons

J'ai vécu de 2 à 8 ans dans une merveilleuse maison, j'en ai rêvé au moins pendant 15 ans, après l'avoir quittée. C'était un rêve tenace où je pouvais enfin rencontrer les nouveaux habitants qui me laissaient revisiter MA maison...

Bises

Jimidi a dit…

Il en restera toujours quelque chose !