2 janv. 2012

Où est-il ?

Je l'ai perdu il y a presque deux mois et cela me parait éternel déjà. Je n'arrive pas à me souvenir de mon chat correctement. J'ai sans doute mis un pansement sur ma mémoire ? 
Je ne sais plus sa douceur, je ne sais plus sa présence fidèle, ses gestes, ses regards. Je ne peux pas regarder les photos parce que là, oui, le pansement tomberait et le sang coulerait à flots de mes larmes. Cela je ne le peux.
Je suis culpabilisée de ce rejet intérieur, de ce refus de le garder vivant en moi. Sans doute je ne suis pas prête. Je suis partagée de sentiments contradictoires. N'avoir plus qu'un seul chat à la maison maintenant et un chat distant, qui n'utilise plus la litière comme un dingue, qui ne miaule pas la nuit pour réclamer trois croquettes, c'est reposant en un sens, c'est un poids en moins, moins de présence, plus de calme, on se retrouve entre humains à deux pattes plus souvent.

Il n'y a plus cet amour chaud et insistant, il n'y a plus ses poils, ses pattes, ses ronrons. Ceux là manquent énormément à son maître auprès duquel il dormait. Serrés l'un contre l'autre. "Je me réveillais et il était là entrain de ronronner tout seul, comme ça" me dit-il. Il l'apaisait, le consolait, l'illuminait.
Pour moi c'était comme un enfant, un bébé à peine capricieux. Il connaissait mes manières, il se collait avec moi sur le fauteuil en osier du petit-dejeuner. Non, je n'ai rien oublié, c'est juste que je ne trouve pas la juste place, la bonne place où être avec lui. Je ne sais pas où il est allé. Je n'arrive pas à caresser son âme. Son maître aussi est perturbé. "Il y a un truc qui ne va pas" répétions nous dans le mois qui a suivi sa mort. C'est comme si notre ami était resté trop longtemps dans sa souffrance, c'est comme si nous ne l'avions pas assez apaisé, comme s'il restait encore trop à dire entre nous. C'est comme si cette agonie horrible avait pris toute la place, elle a vicié notre air, notre coeur, elle nous étouffe encore.  Lui, il  voulait tant vivre, résister, il n'a lâché que quand ses poumons étouffaient, et encore...Il refusait de mourir, il était en colère et têtu. IL refusait l'idée de nous quitter, de ne pas se guérir cette fois là comme toutes les autres. Nous reste ce sentiment d'échec malgré tout, et d'impuissance.

Trouver le repos, alors, ensemble, est encore difficile, je peux dire impossible. Je dis parfois qu'il faut du temps. Mais un poids repose sur ma poitrine et m'oppresse. Je n'arrive pas à ouvrir les mains, laisser libre l'oiseau du souvenir, laisser ouvertes mes paumes et ne plus retenir la douleur. Je veux être sûre qu'il ne souffre plus et de cela je ne suis pas sûre.
Où est-il ?

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Chaque chose pèse, me mettent en sursis du bonheur, me gâchent tout en un rien de temps.

Novembre a été dantesque, décembre m'a vu rebelle et colérique au travail, en état d'épuisement psychique, et dernièrement, une personne de ma famille ( qui ne fréquente ni les blogs ni le net ) est tombée sur un de mes blogs très perso. On venait de se voir, je relatais un beau moment entre nous. Je le faisais par joie et complicité et envie de partage avec de rares lecteurs amis. J'y relatais quelques phrases que nous avions prononcé dans la voiture. Cette personne a été choquée, révoltée sur le coup, pensant que je méprisais notre intimité. Je fus dévastée, j'ai dégringolé une montagne que je commençais à peine à escalader, je commençais à aller mieux. Je me suis éboulis. Avalanchée, détruite en petits morceaux par terre tout en bas de la vallée au milieu de milliers d'autres pierres cassées. Quelle tristesse de blesser quelqu'un comme cela, sur ces espaces de lectures privées et d'écritures où nous donnons beaucoup de nous mêmes, petit à petit en confiance, ces bouts de pages qui nous aident à vivre. Ce fut pour moi un cauchemar. J'ai alors mis des blogs en privé, en suspension dans le vide de l'avalanche. Sans équilibre. 

Maintenant je me dis que le mal est fait et qu'il se refera. C'est mon lot. C'est aussi le lot du lecteur que de prendre du recul, et ne pas penser que je me fous de lui, ni que je mets en pâture ma vie et la sienne.

Que devons nous partager ?
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14 commentaires:

Virginie a dit…

Ben du coup la recette du pain d'épices à disparu !
J'ai mis du temps à me reconnaître dans un miroir, nos proches c'est un peu pareil, finalement personne ne nous connais comme on est vraiment...
Tu t'es relevée, c'est bien, laisse couler un peu...
Je te souhaite une jolie année pleine d'imprévue, encore et encore !

L;-) a dit…

Pour le pain d'épices, voir les archives en bas, dec 2011, madame la gourmande!
relevée, ben, c'est à dire une fois qu'on est en bas, hein ? et sur les fesses...ben, on finira par se remettre sur pattes, oui.

Tifenn a dit…

Je me pose les mêmes questions. Sans doute que je n'écrirai pas si je savais quel tel ou telle me lit. Parfois j'oublie que telle autre lit aussi, et quand je m'en souviens c'est trop tard, mais c'est pas grave. Parce que oui, c'est nous telles que nous sommes sur les blogs, au fond, en vrai, enfin je crois. Dans la vie on fait bien souvent façade. D'ailleurs, je n'écris plus en public en ce moment. Impossible.

croukougnouche a dit…

chère Laure , je partage tellement ton spleen félin, c'est terrible cet attachement , je ressens le même et je ne sais quoi dire ou faire pour te réconforter... quant à quoi dire de nous sur ces pages .. j'use le plus souvent de subterfuges poétiques et préfère pour ma part ne pas relater directement les choses concrètes de mon vécu personnel . mais chacun a une vision différente de cette fenêtre a double sens , double tranchant : donner a voir , à lire , mais en contrepartie , être vue , percée à jour par ceux à qui on ne veut justement pas se dévoiler..

Anthom a dit…

Merci pour ces explications et merci d'avoir rouvert le chemin de la tortue légère. Je comprends ta réaction mais je ne peux que regretter les mots et les émotions que tu nous offrais!

L. a dit…

Anthom, indiques moi ( ellatrop@gmail.com) une adresse mail et cela s'arrangera

Bon, de toutes façons il n'y a pas de hasard quand quelqu'un tombe sur un billet qui le heurte...
Je n'aimais pas l'idée de mettre un blog en privé, mais c'est ce qu'il faut quand on y écrit comme sur un journal intime.
Au début de mes blogs, jamais jamais je ne pensais les utiliser de manière perso et sans pseudo. C'était tout le contraire, il fallait que ce soit sans bosses, sans risques, voilé, imagé, léger. Et puis le désir d'écrire mes tripes à pris le dessus. Sans doute le net n'est pas le bon endroit pour le faire. Il faudra évoluer.

Le Passe Temps a dit…

J'ai découvert , il y a peu...qu'une de mes filles lit mes "bafouilles"!! Elle est dicrète et ne commente jamais tout en m'encourageant, sur le mode "tes photos sont superbes"..
La semaine dernière, un de mes fils s'est fâché avec nous..faisant immédiatement ses bagages et nous quittant sans explications...
Est-il lui aussi allé voir ce que je gribouille ? ? ?
Pas assez à l'aise pour qu'il s'exprime...

Je comprends ton désarroi! en même temps, tant que les lecteurs ne sont ni trahis, ni méprisés, il n'est pas surprenant que le droit à l'écriture des uns soit pour les autres l'occasion de prendre un risque lorsqu'ils vont lire ..
Un de mes fils vivait une vie très débridée, voire bohème..Je n'ai jamais voulu aller sur son blog,nous nous serions gênés!
Lors de son décés, j'ai découvert son blog avec émotions..et en ai lu un passage pendant ses funérailles.
Je t'embrasse Laure
Nicole

L. a dit…

Oui voilà, les va et vient...je suis persuadée que ce que nous écrivons est bon, pour nous, et pour les autres, mais bien sûr pour les très proches il y a des moments ou ce n'est pas le moment.
Je te félicite d'avoir respecté le blog de ton fils. Tu vois combien c'était bon, après tout, si bon.

S. a dit…

Mmmmh, c'est ça la grande question: où.
L'inimaginable néant, celui qu'on voudrait par-delà tous nos rêves matérialiser pour vérifier qu'ils y sont bien, nos morts.
Où, où où où
L'irréalité de ces absences c'est le pire, avec l'oubli.
Si tu rêves beaucoup, quelques trous se comblent et c'est du coton dans lequel se vautrer. Même les voix, ou les ronronnements y réapparaissent.

Baiya a dit…

Ces lignes sur le vide après le départ de ton chat sont magnifiques. Merci de partager ton désarroi avec nous.

L;-) a dit…

Merci les amies félines.
Figurez vous que je le sens plus proche et plus joyeux depuis que j'ai écrit cet article...Mystère
Je peux même revoir des photos( pas trop hein !!)..et j'ai retrouvé un dessin de lui que j'ai fait.

L. a dit…

Merci Baiya, et si tu plonges dans les archives , plus bas, de novembre ( sa semaine d'agonie autour du 10)...j'ai écrit plusieurs Odes à mon Couli et son courage.

Le Passe Temps a dit…

Coucou...

Comment qu'ça va comme on dit dans nos terres de l'ouest...et même parfois on ajoute et la santé comment qu'ça va ??

juste ce petit mot pour m'assurer que tout va...
Ai beaucoup pensé à toi ces jours ci.Nicole

Laure a dit…

je vais bcp mieux
depuis que j'ai écrit ce billet, mon chat devient heureux en moi
Pour le reste c'est mieux aussi, passé le choc. La personne que j'avais blessée m'a écrit une belle lettre.
je reste marquée , un passage, un pont franchi.