27 sept. 2010

L'arrivée au Laos.

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Quand je suis arrivée au Laos, j'ai perdu tous mes bagages. Oui ne rigole pas.
Moi je ris car j'étais très déprimée avant d'arriver. La décision de repartir vivre loin je ne l'avais pas préméditée longtemps avant. C'était l'année 1996. En début d'année mon amour passionnel m'avait mis sur le tapis. Je ne pouvais pas avoir anticipé quoique ce soit. J'étais démantibulée. J'ai essayé de rester dans la même ville et d'y bosser mais ce fut impossible, au delà de mes forces. Je m'étais mise à fumer, moi la non fumeuse, et je fondais dans la déprime quand j'ai répondu à une offre d'une association de solidarité (O.N.G) pour laquelle j'avais déjà travaillé.
Il fallait carrément diriger l'assos. C'était au dessus de mes compétences, vu aussi que je n'étais plus bonne à rien. Cassée. Mais j'y ai vu ma porte de salut et j'ai foncé. Tout s'est fait très vite. J'ai eu un rendez-vous en mars et en mai j'étais dans l'avion.
 Tout ce que j'ai vécu sur le territoire français avant le décollage a été une horreur. Ma grosse valise à trainer chez ma soeur en banlieue parisienne, les coups de fils dans les cabines où je le suppliais d'un dernier aveu, d'une parole, de se voir, d'y croire encore. Pathétique. Je suis pathétique quand je m'accroche aux branches, qui ne l'est pas ? Mon coeur était déchiré. Mais ma valise lourde et prête. 
Je faisais la fière. Je levais le nez. Il vint à Paris. (Je l'ai écrit ailleurs, n'y revenons plus.) Je pris le taxi, désemparée.

Et puis les avions décollent. Décollent, décollent et tu vois le ciel, tu es dedans, tu laisses tout derrière, obstinément. C'est comme cela que je fais, moi.
Combien de bagages ? Un gros truc avec moi, plein de documents et de livres. beaucoup de trucs pour le boulot et je terminais aussi une Maitrise que j'allais étudier sur place, par correspondance, donc, du lourd à porter. Et en soute deux bagages, la lourde valise avec tout le quotidien, fringues, etc, et un autre sac. Heureusement le minimum de toilette je le prends toujours avec moi. Avant on pouvait, maintenant, tu sais, chaque petit flacon ou chaque sachet d'aspirine est rejeté au contrôle.

Je ne me souviens plus du voyage pourtant j'ai dû faire escale à Bangkok, un aéroport que j'aime, que je connais et qui est plein d'amour et d'amis. Je crois que j'ai respiré en y atterrissant. Le pire serait derrière. Point.
Prendre l'avion me transforme, me rend amnésique et prête à tout devant.
J'étais déjà allée au Laos en vacances, j'avais revu Daniel là bas. Daniel n'était plus. La collègue qui avait vécu tout cela, le suicide de Daniel, la charge de deux années de boulot, était très épuisée, elle finissait son contrat sur les genoux. Et elle avait eu un enfant au Laos, il avait fallu tout gérer en même temps, en tant que mère célibataire et directrice d'association. Elle n'avait pas trop aimé la lenteur laotienne, la non-action, la passivité de tout, qui fait que rien ne compte au fond et rien ne se fait et jamais quand tu voudrais. Ce n'était pas son truc, elle aimait la politique, l'engagement, et regrettait la Bande de Gaza où elle avait travaillé.

Le vol Bangkok-Vientiane fut facile et doux. Juste un saut de puce entre ces pays frontaliers. Le Laos est le pays du bonheur, de la Paix sur terre, enfin pour nous. Bien sûr que la vie peut y être rude et que c'est une dictature communiste ex Vietnam, etc...Mais je veux dire que tu plonges dans un rythme lancinant, lent, tendre, où tu auras tout ton temps parce que rien ne sert d'y courir, rien. La nature y est jungle dans les montagnes, les fleuves sont gris-vert ou marrons, les routes y étaient inexistantes ou quasi toutes en terre où tu enfonces la voiture jusqu'aux portières. Les temples viennent se baigner dans les fleuves, leurs pierres y pénètrent langoureusement, c'est enivrant, magique. Les enfants y lavent leurs buffles au soleil couchant. Toi tu es là, seul, tu perds toute notion de tout, tu fais en sorte que tout s'arrête. Tu commences à comprendre combien tu n'es rien, combien tu as laissé derrière, combien tu veux te diluer là et fondre. Etre ce buffle gris dans l'eau grise et cette boue que l'enfant retire avec ses gestes parfois souples, parfois fermes, et justes. L'eau éclabousse et l'animal est heureux et l'enfant est fort, si vivant. Voilà ce que tu es au même moment.

Alors quand j'arrive à l'aéroport j'attends longtemps. Déjà ce sont de ces pays où tout est militarisé et où un visa se paye, se négocie, se fait attendre même si tout est prêt. Mais tu as des alliés sur place, la collègue t'attend et tu passes dans la file spéciale. Néanmoins tu attends tes bagages. Et, et...Et ma grosse valise n'est pas là. Mais comme je suis au Laos, je souris et je ne me soucie pas. La collègue m'emmène chez elle, dans cette jolie maison qu'elle me laissera. Et figures toi que plusieurs heures après quelqu'un sonne et m'apporte ma valise. Il s'est trompé, il a contacté l'aéroport et il me la ramène. J'ai vraiment de la chance, en plus tout y est.

Je suis arrivée.



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5 commentaires:

Paola a dit…

Je me souviens de ce comm que tu avais laissé sur Paris, ailleurs...
Je m'accroche aux branches aussi, c'est comme ça qu'on fait quand on est amoureuses non? pitoyable, mais amoureuse, pas de regret.
Ton Laos me fait envie. Prendre l'avion j'adore, c'est déjà partir.
J'aime ce billet, comme d'hab.

Lôlà a dit…

Ah c'est gentil de dire. En ce moment j'aime beaucoup ce que j'écris ici, profondément. Alors quand je vois l'unique lecteur qui dit...Je souris profond, réunis.

lynxxe a dit…

Oh mais je lis moi aussi. ; -))
Et j'aime. Le coeur ouvert par tes récits, les belles personnes et le pays que tu racontes. Le coeur serré par les passions qui se dérobent.
Je me dis que oui, seul partir peut faire renaître.

L. a dit…

Glups, Oh là là tu sais dire, toi ! Dans le mille. Merci de ce signe, je sais que tu aimes la discrétion....Biz

Anonyme a dit…

il ne fallait pas m'ouvrir la porte, Ella, aprce que tu vois, je m'installe, je vais d'une pièce dans l'autre et je lis, je suis avec toi dans l'avion, nous perdons nos bagagesensemble - et me voici au bord du fleuve, tu photographie les enfants qui lavent les buffles, je te dis quelque chose, tu rie avec moi - non, nous ne nous moquons pas, nos rires sont légers...

Ecris encore, ne laisse pas s'echapper ces moments de vie où tu croyais ne pas vivre.