Je ne peux pas dire qu'il en faille peu. Tout est dangereux et friable, aucune permanence, quoique. Je peux dire que tout était parfait à 12h15 aujourd'hui et que mon coeur remonte dans la balance immobile frais comme l'air, suspendu comme une libellule.
Le parasol on ne sait pas, on ne sait plus et c'est merveilleux. Du soleil on n'a plus à craindre la brûlure et c'est pour moi vivre. Des brûlures on en a suffisamment sur le dos, des coups de fouets invisibles à ton oeil nu. Ici maintenant on peut se laisser vivre en plein air. Plein. D'Air. De Ciel. De Nuages qui passent et courent la vie, la belle. Comme les nuages sont revenus, je les vois courir, ralentir, s'épaissir, flotter, germer, prendre couleurs, monter et stagner, caresser les sommets, creuser dans les failles et les roches de l'éléphant Vercors qui fait mon paysage et dont je ne peux me lasser.
J'aimerais dire que je suis d'ici et que je vais m'ancrer mais je ne le peux pas. J'aimerais dire que je m'adopte ici et c'est peut être ce qui se passe, souvent contre mes grés, mes gréments, mes voilages, mes tourments. L'espace aura raison de tout cela, l'espace me prendra.
A 12h15, c'est simple, tout était délice. Les deux tables revenues devant la cuisine, ombragées, émaillées de taches de soleil doux, les nappes redéposées, les chaises à leur place, le bac de menthe à mes pieds. Les mets, faits de nos mains, l'eau fraiche enfin au robinet qui est tiède durant deux mois et cela me dérange. L'été je suis dérangée. Maintenant je remets la maison en place comme j'aime, je suis libre, je ne suis plus enfermée et inquiète. L'été m'inquiète, il est épais, fourbe, je ne m'y meus pas aisément, il me creuse. Maintenant je me retrouve.
Ce midi à table, je ne cesse de dire combien je suis heureuse de cette brise maritime, moi qui suis si loin de la mer adorée. Le vent, ici, me suffit à sentir la marée, voir l'eau comme si elle était au bout de ma rue, ivresse, envoutement, le bruit du vent dans les feuillages est mon voyage, ma nature, tout ce que j'aime.
J'ai fait un beau voyage, je suis partie en bord de mer durant huit jours, je ne sais plus depuis combien de temps cela ne m'était arrivé. J'ai vu des mers différentes, des bords de mers très différents, des météos changeantes, calmes et agitées, souvent agitées comme j'aime. Je me suis baignée seule le matin, je ne peux même pas te dire l'état dans lequel j'étais. J'ai parlé sans cesse à des inconnus qui tous me répondaient, sur des tas de sujets, tous disaient leur bonheur , "profitons, profitons", tous nous disions cela et nous le vivions en même temps sur le même espace partagé. Cela m'a énormément touchée. Tous, sur la plage, je voulais les connaître, leur dire ma joie, exprimer la beauté et la chance d'être là. Tous m'ont dit, Oui, nous aussi. Quelques minutes ou secondes me suffisaient à remplir ma besace d'humaine à humains, de passer un témoin, me suffisaient pour être vivante, ré alimentée après une période de lourdeur mortifère.
Ce midi tout est là. Depuis que je suis revenue chez moi, tout y est. Ici et là-bas.
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2 commentaires:
Magnifique texte poétique. J'ai senti la brise, vu le Vercors.
Je me suis sentie ici et là bas, humant les parfums de menthe.
Merci
Ravie de ta présence ici
Importante et qui prend le temps de dire, cela n'existe plus.
Rare, donc.
Bises
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