21 sept. 2020

Femmes et petit Ange

 Vont partir au courrier

A des personnes très différentes, qui ne se connaissent pas

Pour des raisons très différentes, je leur envoie.

 

J'ai toujours aimé mettre des fleurs-chapeaux sur les têtes des femmes.


Une fois, deux fois, peut être en y aura-t-il d'autres sur ce modèle là.


 
 
Celui-ci, ci-dessous,  je me rends compte que j'ai du mal à m'en séparer.
Je l'ai créé il y a plusieurs années, en un coup de pinceau et de ciseaux, sans réfléchir, dans l'instant.
L'ange est venu. Et s'est collé à moi.
Je ne voyais pas à qui l'envoyer, les gens ne comprendraient pas, pourraient même ne pas l'aimer.

La carte est restée dans la bannette des cartes et enveloppes.
Parfois je la voyais, la sortais, mais non, pas celle là.

J'ai dû rouvrir l'enveloppe car j'ai cherché sa photo dans mes dossiers sur l'ordinateur, et je ne la trouvais pas.
Il fallait que je garde trace. Le coeur un peu serré, car je ne la reverrai plus jamais.

J'ai confiance en celle qui la recevra. 
On se connaît peu, pas revues depuis trente ans, cet été nous avons passé deux heures ensemble sur la plage. On a tout déballé. Elle est douée pour l'écoute. Elle est touchante de compassion. Finalement nous nous fréquentions avant nos trente ans, dans des périodes où l'on tente, on avance d'un bon pas. 
 
Son premier bébé était né, grand prématuré, il a été choyé, accompagné, soigné, chéri, pour qu'enfin il puisse habiter sa maison avec le moins de séquelles possibles. J'ai suivi ce combat.
Et moi je ne sais plus bien ce que je faisais de moi.
Elle vivait dans une vieille rue typique dans un grand appartement à poutres anciennes, rénové.
Je vivais dans le vieux centre ville aussi, je crois.
Il était facile de se croiser, de monter boire un thé. Nous bavardions beaucoup, comme cet été sur la plage. Le sentiment de s'être perdues de vue mais pas de coeur. Pourtant elle n'est pas dans le "cercle premier" on pourrait dire, celui de mes amies intenses qui ont tout partagé à un moment de ma vie. Mais des amies de son "premier cercle" sont aussi des amies de mon premier cercle. Nos cercles vitaux se touchent donc, et englobent certaines personnes communes.

Elle peint aussi, créé, bidouille, fabrique des objets, des bijoux, nous avons parlé de cela, découvrant nos penchants, qui étaient timides dans le passé et sont devenus plus osés, affirmés. L'âge, sans doute. La vie. Blessée, elle aussi, par un licenciement très violent, elle a dû se reconstruire professionnellement, à la cinquantaine, se mettre à son compte, retrouver de la confiance. 
 
Adieu mon ange bien gardé, tu peux voler vers d'autres âmes maintenant.
 
 
 
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13 sept. 2020

Marcher lentement


https://www.youtube.com/watch?v=z-Bu5PUk43o

 

Je prends mes bâtons de marche, ce sont juste des alliés, et de quoi faire bouger mes bras, sans se presser, je les lance tous les deux, les deux bâtons en même temps, puis je les ramène ensemble vers moi au rythme de mes pas, sans réfléchir. J'ai décidé de flâner ce matin.

Il ne fait pas encore trop chaud mais j'ai hésité avec le vélo. Puis j'ai pensé qu'il me suffisait de rester autour de la maison, par ci par là. Alentour. Sans aucune intention violente, sans effort, sans aucun effort visible.

Dès que l'idée de marcher lentement s'est imposée, je me suis sentie détendue. L'idée de faire petit et lent, comme on bavarde sans prétention, en regardant autour ce qui se passe, en prenant tout le temps qui vient, en le mâchant dans la bouche, s'en délectant. 

J'ai souvent envie de m'arrêter quand je marche, de me poser sur un arbre couché ou un banc, m'assoir, oui. Et me fondre là où je suis. Pas arrivée, à peine avancée, immobile surtout. Même la marche est parfois trop rapide, elle pousse dans le dos et moi je veux rester, morceau par morceau.

Je me tiens droite, et je suis heureuse, il ne fait pas trop chaud, non. Je traverse la route et vais sur le chemin goudronné qui monte un peu, je regarde les quelques maisons, celle qui se construit à petit pas, et où, il y a quatre ans il y avait encore un vieil homme fantomatique et une glycine qui était la seule habitante possédant tout le mur de pierres. Depuis, l'idée de construire et le vieil homme parti, la glycine a été matée, réduite au minimum. L'humain réduit au minimum la nature qui se déploie, toujours trop à son goût. Pas moi.

L'autre maison, très belle en bord de ruisseau, a construit un garage à trois portes, comme une maison de petits cochons, un gros, un moyen, un petit. Au tournant j'aime bien le fouillis d'un champ-jardin. Un terrain qui devient de plus en plus habité, une cabane devenue petite maisonnée et beaucoup de soin à jardiner. Des arbres fruitiers.

Je monte un peu mais finalement, dans le grand tournant je vois des gens qui parlent, immobiles, devant une maison, celle du grand tournant, toute refaite il y a cinq ans, là aussi, tout le verger a été massacré, tous les arbres coupés, tout le fouillis éliminé, et avec lui les oiseaux et tous les êtres invisibles dont c'était l'univers. L'Homme piétine les habitats des êtres vivants qui ne savent pas lui casser la gueule et le dominer. L'humain n'est pas facile à contrer, repousser, amadouer.

Donc je m'arrête dans la montée, avant le tournant. Je fais demi tour. Auparavant j'ai marché en marche arrière, c'est bon pour les articulations. Je fais ce que je veux. Maintenant si je veux faire demi tour je le fais, j'aime beaucoup faire demi tour. Qui a dit qu'il fallait aller tout droit et jusqu'au bout ? Je l'emmerde celui là. Bon, maintenant je suis tellement libre et vacante, libre et lente que je ne sais pas trop si je passerai par le sous-bois. Je traverse les noyers et au bout du champ je vois une petite famille. Je m'arrête voir où il vont. Ils viennent vers moi, on se croise. A l'orée du sentier vers le sous-bois j'hésite. J'entends un aboiement. J'aime être seule sur ce sentier car il y a beaucoup d'oiseaux qui se taisent s'il y a d'autres personnes, du bruit humain. Donc, je rebrousse chemin, on dit, mais refaire un chemin n'est jamais pareil que la première fois. J'entends le ruisseau, les oiseaux se sont faits discrets, tout à l'heure je me suis arrêtée pour les entendre, au moins quatre sortes de chants, très joyeux, comme reprenant leur place, retrouvant des amis, affirmant leur présence, de branche en branche, une danse du retour, de l'automne qu'on prépare. Je les écoute et je vais de branche en branche, heureuse de les retrouver, préparant l'automne. Que j'aime.

Je redescends vers la route vers chez moi, et je vois la petite famille qui revient sur ses pas. J'avais bien compris cela tout à l'heure, alors je leur demande clairement s'ils cherchent un chemin. Ils sont timides mais osent un peu m'en dire. Je leur donne des indications et des idées. Ils veulent marcher sur des sentiers, ils ne sont pas vraiment dans le bon secteur. Ils apprendront. Ils connaissent déjà pas mal de coins. Je me demande s'ils sont nouveaux dans le bourg mais je ne dis rien. Ce ne sont pas des bavards mais des polis qui disent le moins possible. L'inverse de moi. Il est onze heures, ils ont un bébé et un petit de trois ou quatre ans, ils ont l'air prêts à se balader encore une bonne heure. Me voilà à me demander à quelle heure sera le repas des enfants, les enfants meurent de faim tôt. Non mais de quoi je me mêle ?

Je finis ma balade et m'amuse de cette rencontre agréable qui n'aurait pas été possible si j'avais marché d'un bon pas, si j'avais continué la montée, si j'avais pris par le sous-bois pour rentrer chez moi. Au fond, ce qui m'intéresse c'est de récolter quelque chose, m'arrêter pour chercher des bouts de branches jolies, cueillir une pousse d'arbuste, faire un bouquet, voir un oiseau, observer les méandres des arbres dans un fouillis sauvage, et, parfois, pas trop mais parfois, voir des humains pas pressés eux aussi.


1 sept. 2020

Tout y est

 Je ne peux pas dire qu'il en faille peu. Tout est dangereux et friable, aucune permanence, quoique. Je peux dire que tout était parfait à 12h15 aujourd'hui et que mon coeur remonte dans la balance immobile frais comme l'air, suspendu comme une libellule.

Le parasol on ne sait pas, on ne sait plus et c'est merveilleux. Du soleil on n'a plus à craindre la brûlure et c'est pour moi vivre. Des brûlures on en a suffisamment sur le dos, des coups de fouets invisibles à ton oeil nu. Ici maintenant on peut se laisser vivre en plein air. Plein. D'Air. De Ciel. De Nuages qui passent et courent la vie, la belle. Comme les nuages sont revenus, je les vois courir, ralentir, s'épaissir, flotter, germer, prendre couleurs, monter et stagner, caresser les sommets, creuser dans les failles et les roches de l'éléphant Vercors qui fait mon paysage et dont je ne peux me lasser.

J'aimerais dire que je suis d'ici et que je vais m'ancrer mais je ne le peux pas. J'aimerais dire que je m'adopte ici et c'est peut être ce qui se passe, souvent contre mes grés, mes gréments, mes  voilages, mes tourments. L'espace aura raison de tout cela, l'espace me prendra.

A 12h15, c'est simple, tout était délice. Les deux tables revenues devant la cuisine, ombragées, émaillées de taches de soleil doux, les nappes redéposées, les chaises à leur place, le bac de menthe à mes pieds. Les mets, faits de nos mains, l'eau fraiche enfin au robinet qui est tiède durant deux mois et cela me dérange. L'été je suis dérangée. Maintenant je remets la maison en place comme j'aime, je suis libre, je ne suis plus enfermée et inquiète. L'été m'inquiète, il est épais, fourbe, je ne m'y meus pas aisément, il me creuse. Maintenant je me retrouve.

Ce midi à table, je ne cesse de dire combien je suis heureuse de cette brise maritime, moi qui suis si loin de la mer adorée. Le vent, ici, me suffit à sentir la marée, voir l'eau comme si elle était au bout de ma rue, ivresse, envoutement, le bruit du vent dans les feuillages est mon voyage, ma nature, tout ce que j'aime.

J'ai fait un beau voyage, je suis partie en bord de mer durant huit jours, je ne sais plus depuis combien de temps cela ne m'était arrivé. J'ai vu des mers différentes, des bords de mers très différents, des météos changeantes, calmes et agitées, souvent agitées comme j'aime. Je me suis baignée seule le matin, je ne peux même pas te dire l'état dans lequel j'étais. J'ai parlé sans cesse à des inconnus qui tous me répondaient, sur des tas de sujets, tous disaient leur bonheur , "profitons, profitons", tous nous disions cela et nous le vivions en même temps sur le même espace partagé. Cela m'a énormément touchée. Tous, sur la plage, je voulais les connaître, leur dire ma joie, exprimer la beauté et la chance d'être là. Tous m'ont dit, Oui, nous aussi. Quelques minutes ou secondes me suffisaient à remplir ma besace d'humaine à humains, de passer un témoin, me suffisaient pour être vivante, ré alimentée après une période de lourdeur mortifère.

Ce midi tout est là. Depuis que je suis revenue chez moi, tout y est. Ici et là-bas.


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