14 mars 2023

Ce qu'il faut

 

La maison est à sa taille. Sans étages et en dur, pas en bois ni pilotis.
 
La grande salle accueille dès l'entrée, toute en longueur pleine de perspectives, avec son coin cuisine au fond. 
 
Au milieu de la salle, à droite, un petit couloir avec la salle de bains en face, juste comme il faut avec un chauffe eau individuel, qui comprend le pommeau de douche. De l'eau chaude, donc. Le confort.
 
De chaque côté, les deux chambres. La sienne sera grande et le lit immense, king size from america. 
 
Seule, ce sera sa maison, son jardin de bougainvilliers, vue sur les rizières.
La terrasse a un toit, c'est un recoin, une nichée vers l'extérieur. Sur le fauteuil en rotin elle restera longtemps durant les fins de semaine.
 
Seule, ce sera sa maison. Elle est chez elle, elle y loge qui elle veut. Des visiteurs, une collègue en quête de son propre logement, des collègues d'Europe, de passage, et des vrais amis, comme Cathy venue du Cambodge voisin, en collègue et voisine. 
 
Seule elle doit assumer. Le travail qui fait peur, tant de responsabilités, une équipe qui attend d'elle. 
 
Seule elle doit assumer une rupture non assumée. Elle doit se relever. Elle est venue poussée par le désespoir absolu. D'avoir perdu une bataille, une moitié d'elle, à en arracher les murs qu'elle a laissés.
Seule elle étudie le soir, elle poursuit ses études universitaires, elle passera les examens écrits dans la faculté locale. 
Elle rencontre les professeurs francophones qui tentent de lui expliquer les matières qui la rebutent. Ils vivent comme des nabab dans des maisons immenses entourées de végétations tropicales. Au bout d'une année de révisions et de devoirs par correspondance, roulant en mobylette sur les routes poussières oranges, une fois, trois fois, elle ira passer tous les examens dans cette petite université exotique.
 
Elle reçoit Chi, son amie collègue d'origine vietnamienne, qu'elle a croisée à Lyon, puis aux Phillipines, qui lui dit de retirer ses photos au mur de sa chambre. De ceux qui ne reviendront plus, qui ne viendront jamais, de cette ombre sombre en elle, cet amour défunt. Elle écoute, elle n'est pas prête encore. Chi est une femme debout et profonde, elle sait qu'elle a raison.
 
Des fenêtres de la chambre, grillage et moustiquaire, elle entend la nuit les crapauds buffles croasser, comme jamais tu n'as entendu les crapauds croasser. La nuit, au bord des papyrus humides, une forêt de papyrus, les crapauds s'amusent, vivent, baisent, jouent, dorment. Ils forment, avec la tiédeur perpétuelle, les odeurs étranges, et les incessantes découvertes ici, ils forment sa vie. 
Ils suffisent d'eux mêmes à lui imposer ce qui est.

2 commentaires:

Tifenn Yvon a dit…

La solitude avec soi-même ..

Laure a dit…

Une année d'efforts sur soi. Il fallait. Rien d'autre sinon. Au bord du précipice.