26 janv. 2011

V.I.P to Norway

Un jour j'ai voyagé en avion  sans avoir acheté le billet. C'est une délicieuse sensation que d'arriver à Orly avec juste un léger bagage, d'aller au guichet où on t'a dit d'aller. Le panneau annonce "Stavanger", avec une heure de départ. Tu dis juste ton nom, tel un sésame,  et on te donne un billet et une fiche d'embarcation. Mata Hari tu es, une voyageuse incognito en place V.I.P, une very importante personne. Tu monteras dans le jet d'une société pétrolière, de celles qui ont des plateformes de forage dans la Mer du Nord. Ainsi tu arrives au sud de la belle Norvège en plein mois de novembre et D. t'y attend.

D. travaille pour ladite société, qui a ses écoles privées pour les chérubins du personnel. L'avion est presque vide, pas de problème, il est réservé au personnel et leurs amis, deux vols par semaine, toujours le même jour, à la même heure. D. a indiqué mon nom et le jour J. à la compagnie, et voilà, Mata s'envole en V.I.P, very impressionnée indeed.

D. c'est "L'ami d'amis". Odile et G. se sont mariés, je suis témoin et amie d'O.  Quant à D. c'est l'ami, et témoin, de G. En 1991 nous voilà célibataires tous les deux, lui et moi. Tiens ? Cela ferait un accord parfait, une sonate à quatre doigts de ma main : O et G + lui et moi. Des amis hors pair qui se connaissent bien. 

Non, ça ne marche jamais avec moi ces plans là, zut. Dix ans auparavant il y a eu  un scénario identique mais avec d'autres personnages dont B.... Oh le beau, toujours en mer sur des bateaux, étudiant aux beaux arts avec Patrick, le fiancé de mon amie ! L'amie avec laquelle je cohabite et étudie au Havre, en 1979. Elle retourne les fins de semaines chez eux, à Caen. Parfois elle m'emmène et là on est quatre, le plus souvent. B et Patrick, elle et moi. On est beaux, on est jeunes, ils sont des hommes plein d'inventivité, d'art et d'humour et B. a des yeux bleus et un air tendre et je ne demande qu'à...Un soir, un seul, il sera dans mon lit, sur un matelas une place, au sol, et à quelques encablures dans la même pièce, les fiancés sur un matelas une place aussi. Mais B. ne m'aime pas, j'ai ses cuisses contre mes cuisses, son cou dans mon cou. Mais rien d'autre. Bien sûr je ne dors pas et le lendemain je jette des galets dans la mer, grognon. Fini le plan B. 

Plus de dix ans après, le plan D. a de la classe. Brun, nerveux, intelligent, lui c'est la montagne, pas la mer. Moi c'est comme il veut, je ne suis pas loin de tout vouloir. Un mois plus tard je pars travailler au Cambodge. Mais il est voyageur. Et c'est un ami et l'ami de mes amis. Et je passe six jours en Norvège, chez lui.

Oh comme ce pays est doux ! Tout est facilité et aimable. Les voitures s'arrêtent pour te laisser passer alors que tu n'as même pas encore le pied sur le passage piéton. Tout est calme. Les petits enfants ont des casques pour pédaler sur leurs petits vélos, et en 91 ce n'est pas courant en France ces casques pour cyclistes, pas du tout. Je découvre une société disciplinée et accueillante. Même le Québec paraît brouillon en comparaison. Stavanger est un port croquignolet, le poisson abonde. Les rues piétonnes se remplissent des lueurs de Noël. Dans les boutiques de décorations et de bougies j'ai envie de tout acheter. Un choix époustouflant.

Dans les supermarchés le choix de nourriture me ravit : produits bio à gogo, céréales en pagaille, poissons fumés par tous les bouts, biscuits épicés, laitages géants. J'ouvre des grands yeux sur ce conte de fées. Je suis un lutin qui vagabonde, tout est facile. Près de la maison il y a même une piscine extérieure avec sauna, ouverte de 6h à 22h. L'eau y est très chaude, la fumée s'évapore, j'y vais le matin, nous sommes quatre à y nager sous un soleil d'acier. Il fait entre zéro et un peu moins.

La société propose des jolis chalets en location,  près d'un fjord. Nous y passons la fin de semaine. La neige est tombée, elle monte jusqu'aux genoux. Les monts se reflètent dans l'eau limpide exactement comme dans un miroir, comme sur les photos. Celles que je n'ai pas prises, en ce temps là j'en prenais si peu !
Le chalet est confortable, tout en bois clair, somptueux. Mais D. ne m'aime pas, ne sera pas amoureux. Sous la couette norvégienne, malgré nos essais, ce n'est pas de l'amour qu'il me fait, pas le vrai et nous savons ce qu'il en est. Nous serons donc sincères, je serais donc un peu déçue.

Dans un recoin de chez moi je garde précieusement un vestige de mon novembre norvégien, deux bougeoirs et leur décoration.


"C'est moche" me dit Lui, ici, mais il ne sait pas et je souris. "Non, moi j'aime", je lui dis, têtue, bien sûr. Il ne sait pas ce qu'est ma vie sans lui.
Qu'est-il advenu de moi ? Deux mois plus tard en cette Asie intime je rencontre la passion de ma vie. D. va , lui, nouer une relation secrète avec la femme d'un ami cher. Cela le mène à sa perte trois ans après. Il prend sa voiture et roule dans le vide, sur les routes de France, déchiré. Il fait 500 kms et frappe à ma porte, lyonnaise en 96. Il a des yeux de cocker battu. Nous dînons  au restaurant, tous les trois. Nous deux et lui, si malheureux. Un moment nous sommes seuls. Il me prend la main et me demande
" Alors tu es heureuse ? Ca y est ? Tu es sûre ?"
A ce moment là, je suis sur un nuage de ma vie, l'amour dans la poche, rayonnante je dis
- Oui, oh oui ! Enfin, quel bonheur, enfin avec lui !
- C'est bien, tu vois si c'était à refaire...
Et puis tout bas, marmonnant dans sa barbe qu'il ne rase plus ( il est un errant qui ne se regarde plus dans un miroir ) il glisse  "J'ai sûrement raté quelque chose"

Nous ne savons pas que dix mois plus tard je dois fuir, loin, très loin,  mon amour qui me chasse. Je suis errante à mon tour. Oui, ce sera mon tour d'être perdue. Tournent les manèges, plonge la vie. Plus tard il rencontre la mère de ses deux filles dont il est gaga  aujourd'hui. 

Plus tard, moi...
.

.

18 janv. 2011

Les valises

Je suis née auprès de gens curieux de tout qui aimaient bouger. C'est ainsi, je suis tombée dedans. Comment cela se passe -t-il ? Petite je devais sentir cette excitation monter au fil des jours, sans doute.
Un genre d'adrénaline.
D'abord on fixe une date et un lieu. C'est comme cela que tout commence.Est-ce que cela s'appelle un projet ? Je ne sais pas. Peut être une destination. Et l'idée qu'on va bouger s'installe comme un démon dans chaque recoin de ton esprit.
Nous allions souvent dans les lieux plutôt amis, connus, familiaux, et sinon j'avais aussi le luxe et la chance de séjourner dans des hôtels ( j'en suis restée amoureuse, enfin ceux qui sont corrects, avec un minimum de confort vital...). Voiture, train, bateau, avion nous prenions.

J'ai toujours été indépendante et solitaire, avec les valises c'était pareil. Je pense qu'à huit ans je n'avais besoin de personne pour les faire et les boucler. Les deux "grands" partis dès leurs dix-huit ans, je me suis retrouvée seule et autonome dans la maison très vite, pour tout et pour voyager itou. J'avais ma propre valise, ma trousse de toilettes. La veille, ma mère venait voir si j'avais besoin de quelque chose ou de quelqu'un. Je n'avais pas besoin. Ma propre valise à la main, je l'amenais devant la porte d'entrée bien avant l'heure de partir. Et pas besoin de me secouer comme un prunier dans le lit pour partir aux aurores. Prête comme un petit soldat. Lavée, habillée, guillerette, impatiente et silencieuse, observant ces adultes nerveux et inquiets de tout fermer, de tout vérifier et mon père dans la voiture d'énumérer ce que ma mère aurait pu oublier de ses affaires, parce que lui ne faisait guère ses valises seul. Ces hommes là, de cette génération là. Ces femmes là...

 Bretagne sud, de gauche à droite : ma mère, mon père me portant, les deux grands, ma grand-mère paternelle-québécoise.


Moi je venais d'une autre planète. J'en avais eu confirmation dans un livre de la collection Rouge et or . "Tombée du ciel", c'est le titre. C'est l'histoire de Mo, petite fille tombée d'une planète nommée Asra, et recueillie par des enfants terriens. Mo a un très beau collier de perles grosses et translucides.


Et sur sa planète "On ne pleure jamais" dit-elle aux enfants. 

.

1 janv. 2011

Se réveiller dans le Monde

Ce matin 1er janvier à 4h du matin mes yeux sont ouverts, ou bien c'est mon esprit. Il vagabonde.
Je pense à mon amie du Pacifique Sud pour laquelle la journée est en plein : 10 heures de plus.
Je pense aux amis des Amériques, des côte Est ou Ouest ( un autre Pacifique...) pour lesquels c'est la nuit et c'est encore hier : 6 heures minimum de moins.


Des petits atolls finissent leur jour dans les océans verts pendant que je petit dejeûne. Ces décalages horaires me cassent quand je vais vers eux, d'un côté comme de l'autre de l'horloge. Tu es zombie pendant deux jours.

A Montréal avec I. dans son bed and breakfast, cela ne la dérangeait pas, au contraire. On se retrouvait une tasse à la main dans la nuit québécoise à regarder le petit jour et à prendre le frais avant que la chaleur d'aout nous colle sur place. Et même ensuite, très souvent, sans doute à cause de cette chaleur à venir, sans doute à cause des insomnies de mon amie et sûrement parce qu'on ne s'était pas vues depuis 25 ans, chaque petit matin nous étions ensemble entre terrasse et jardin, son café italien fumant dans la cuisine.
L'unique autre personne hébergée là dormirait jusqu'à 9h bien  passés. Il était entrain de s'installer à Montréal et de chercher un appart, un condo. Charmant "pur british" et alcoolique, il rentrait toujours très très tard le soir, et on ne risquait pas de le réveiller. 

Seule Maya, la chienne de mes rêves, sur laquelle j'ai pleuré en partant, nous rejoignais, toute heureuse.
Le jour se levait, tendre, dans le jardin de la belle maison située près de l'université UQuAM, l'Université du Québec à Montréal.  Je ne sais plus s'il y a le U dans ses initiales que tout le monde connaît comme du petit pain, comme du bagel, comme des donuts. 




Se lever tôt en vacances et être prêt à vadrouiller, à ne rien faire, le corps libre sans destination, sans destinée autre que tout dévorer en pleine face, tout retenir et puis tout laisser tel quel derrière soi.
Vagabonder comme chez soi et dans cette ville qui est comme une mère et une soeur pour moi. Qui trouble de ses mystères, de ce passé familial que je ne connais pas, de cette grand-mère née là, de ses soeurs, de son père aventurier sur les bords, parti vers 1870 ou 80 ? pour ce continent qui promettait la lune.


Moi je me vois avec eux dans les hameaux devenus villages au bord du st Laurent où naquit cette famille . De bois, de boue, de feux,  d'hivers et de moustiques. De chevaux et de poneys, d'usines nouvelles où cet arrière-grand-père travaillait, de premières locomotives crachotant leurs fumées et de peuples premiers (comme on dit si bien là-bas) assassinés.
.



.